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Souvenirs du Général Vionnet sur les campagnes de Russie et de Saxe
VIII
La vaccine

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Médaille en cuivre frappée en 1804 à l'éffigie de Napoléon par Bertrand Andrieu. Au revers figure Esculape prenant sous sa protection la Vénus de Médicis dont le bras gauche est entouré d'un bandage. Dans le champ à gauche, une vache; à droite, une lancette et un tube de vaccin.

Le 5 décembre 1814, je reçus la permission d'aller passer un mois à Paris. Je partis le même jour, je passai à Lutzerath, à Wittlich et je fus couché à Trèves, où j'arrivai de nuit.

Le 6, je pris une voiture particulière pour aller à Luxembourg où je couchai.

Le 7, je me rendis par la diligence à Metz. J'en partis en poste le 8 et j'arrivai le 9 au matin à Paris.

Le régiment fut placé à Etter, petite ville entourée de murs, à la gauche de la Moselle, le 6 décembre, il y resta jusqu'au 13 qu'il en partit pour se rendre à Bruxelles en suivant la route ci-après :

le 13 décembre à Beugel, le 14 à Wettlich, le 15 à Etzerath, le 16 à Trèves, le 17 à Cremaker, le 18 à Luxembourg, le 19 à Arlon, le 20 à Neuchâteau, le 21 à Saint-Hubert, le 22 à Marches, le 23 à Liney, le 24 à Namur, le 25 à Jemmapes et le 26 à Bruxelles où il resta jusqu'après mon retour.

La mauvaise qualité de petite vérole qui régnait dans le pays occupé par la division m'avait particulièrement déterminé à me rendre à Paris pour me faire vacciner; en conséquence aussitôt après mon arrivée, je me mis au régime convenable à cette opération. Je fus vacciné le 20 décembre par le sieur Lion, chirurgie à Neuilly, en présence du secrétaire général de la Société de vaccine et de plusieurs docteurs. Le vaccin fut pris sur un enfant de six mois du sexe féminin et qui était bien portant. On m'en plaça dans sept endroits, trois dans un bras et quatre à l'autre.

La douleur que cause cette opération est peu sensible pour les trois ou quatre premiers, mais l'irritation qui se communique aux nerfs rend les autres assez douloureux. Je n'éprouvai aucun mal, je suivi un régime fort exact et quoique le docteur assura que le sixième jour j'avais eu un peu de fièvre, j'affirme que je ne m'en aperçus pas le moins du monde et que ce jour je mangeais comme de coutume.

Le développement du vaccin se fit avec une incroyable célérité, il me vint sept boutons gros comme des noisettes, qui suppurèrent assez longtemps et qui, au rapport des docteurs, étaient de la plus belle espèce; mon rang dans l'armée, mon âge, et surtout la vie active que j'avais mené, avaient engagé les docteurs à donner une grande importance à cette opération qui eut tout le succès que l'on pouvait. Soit que ce fut un effet du vaccin ou seulement du régime que j'avais suivi, il est certain que je jouissais d'une santé parfaite et que je n'avais jamais été mieux.

Je partis le 4 janvier pour aller rejoindre mon régiment à Bruxelles. Le temps était détestable et ma vaccine encore en suppuration; je passais toute la nuit dans la diligence.


Les origines de la vaccination

Vient du latin VACCA (vache)

Également appelée la "picote" ou "petite vérole", la variole est une maladie infectieuse, éruptive et épidémique, caractérisée par une éruption boutonneuse arrivant à la suppuration. La variole est une maladie grave, jusqu'à la seconde moitié du XIXe siècle, c'est la grande cause de maladie infantile. L'incubation dure de dix à quinze jours. La période d'invasion, d'une durée de quatre à cinq jours et est caractérisée par le frisson, la fièvre, le lumbago, des vomissements. Vient ensuite la période d'éruption, qui dure six jours; le visage et le corps se couvrent alors de tâches rouges, qui se transforment en pustules. Enfin, au cours de la dernière période, entre quinze et trente jours, les pustules sèchent, laissant à leur place des cicatrices indélébiles.

Le 14 mai 1796, en Angleterre, un médecin de campagne, Edward Jenner (47 ans), pratique sur un enfant la première vaccination au monde par scarification, le médecin inocule à James Phipps (8 ans) du pus prélevé sur la main d'une femme, Sarah Nelmes. Celle-ci avait été infectée par sa vache, atteinte de la vaccine ou variole des vaches (en anglais "Cow-Pox"). Cette maladie bénigne était courante chez les valets de ferme qui trayaient les vaches et entraient en contact avec les pustules des pis. Or, ces valets avaient la réputation d'être régulièrement épargnés par les épidémies de véritable variole, une maladie mortelle responsable en ces temps-là de dizaines de milliers de morts par an rien qu'en Europe (la descendance du roi Louis XIV avait été décimée en 1712 par cette maladie).

Après une inoculation de pus, l'enfant contracte la vaccine sous la forme d'une unique pustule et en guérit très vite... Trois mois plus tard, Edward Jenner lui inocule la véritable variole. Au grand soulagement du médecin, la maladie n'a aucun effet sur l'enfant. C'est la preuve que la vaccine l'a immunisé contre la variole en entraînant la formation d'anticorps propres à lutter contre l'infection. Des médecins avaient déjà eu dans les années précédentes l'idée d'inoculer à un patient une affection bénigne pour le préserver d'une maladie plus grave. Edward Jenner, après qu'il eut appris d'une employée de laiterie les particularités de la variole des vaches et vacciné le petit James Phillip, a l'audace de diffuser le principe de la vaccination dans le public. Il publie à ses frais une "Enquête sur les causes et les effets de la vaccine de la variole" et jette les bases de l'immunologie appliquée à la variole. Puis, quittant son village natal de Berkeley, Edward Jenner se rend à Londres où il vaccine gratuitement des centaines de sujets. Bientôt ruiné, il revient exercer la médecine à Berkeley où il finit honorablement sa vie. Entre temps, la pratique de la vaccination se répand très vite en Europe et en Amérique, contribuant au recul des épidémies. À Boston, un disciple, Benjamin Watrerhouse, vaccine sa propre famille dès juillet 1800 et convainc l'année suivante le président étasunien Thomas Jefferson d'en faire autant. 80 ans plus tard, Louis Pasteur découvrira les fondements théoriques de la vaccination et en améliorera notablement la pratique, en vaccinant contre la rage le petit Joseph Meister en 1885. À ce jour, les grandes campagnes de vaccination contre la variole ont pratiquement éliminé ce virus de la surface de la terre. (sources : http://www.herodote.net)


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