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Les Comtois

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voir également :

"Le comportement du Haut-Jurassien" et "Boire pour ne pas devenir crétin"


ces deux textes sont tirés du livre "Les Français peints par eux-mêmes", 1841

Son imagination à la fois rêveuse et caustique le pousse aux superstitions par l'attrait du merveilleux, et la sérénité de son jugement le conduit à l'étude des sciences exactes. Ce pays est la terre classique des géomètres, des mathématiciens, des artilleurs et des ingénieurs.

Ils ont la pensée rapide et l'expression très lente; leur accent se traîne lourdement et contraste avec le mordant de leurs phrases débitées avec une bonhomie apparente. Endurants, calmes comme les Germains, ils sont vindicatifs comme les Espagnols, et comme rien n'est plus dissimulé qu'un Franc-Comtois, ils savent attendre, sans vous donner l'éveil, l'heure des représailles.

Je crois que nulle part on soit plus goguenard, plus emporte-pièce. Ils ne s'entr'aiment guère, et, avouons-le à regret, le trait dominant de leur nature est l'envie. Le défaut capital du Comtois fraîchement débarqué est une susceptibilité pointilleuse. De plus, il est sans exemple qu'un Comtois allant faire une visite ait négligé de se moucher en montant l'escalier.

En quelque lieu qu'il se trouve, si on lui fait admirer un objet quelconque, il ne le verra point sans le toucher, et l'on a prétendu avec justesse qu'il avait des yeux au bout es doigts.

Hésitant entre deux démarches les plus sérieuses du monde, il ne dira point : ferai-je ceci, ferai-je cela ? Non, quels que soient l'influence qui le domine ou les avis qu'il a reçus, il demandera : "Veux-je aller ici ou là ? Veux-je m'opposer ou me soumettre à telle nécessité ?" Il semble affirmer ainsi qu'il ne relève que de Dieu et de sa propre volonté. Sur son lit de mort, dévoré par un mal incurable, il murmurera triste et la voix éteinte : "Las-moi, je sens bien que je veux mourir".

Les Comtoises sont reconnaissables à leurs pieds assez forts, à la façon lourde dont ils sont attachés, et à la grosseur de la malléole externe. Elles ne peuvent traverser la rue sans se crotter. Elles portent volontiers un petit nez pointu, leur mâchoire inférieure est très développée.

Francis WEY (Besançon) 1812 - 1882


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Comtois, gens de robe


Beau pays pour les légistes, en vérité, créé tout juste pour faire la fortune des gens de robe. Le Comtois est d'instinct, contradicteur et procédurier. C'est comme je l'ai dit déjà, le goût inné et profond de la justice qui ne jouirait pas d'un bien s'il n'était pas obtenu d'une façon légale. C'est aussi la pente naturelle d'une humeur batailleuse mise au service d'un vif amour des biens de ce monde et d'un sens aigu de la propriété.

Tout au long du passé de la province, l'idéal des fils de bourgeois a été de devenir conseiller à la Cour de Dole, de prendre place dans cette aristocratie de la robe, aussi fière, aussi orgueilleuse de ses traditions et de ses titres que la noblesse d'épée.

C'est dans les grands magistrats, les grands avocats que se recrutera le meilleur de l'intellectualité comtoise. Elevé au-dessus des biens matériels et établi dans les domaines de l'esprit, le Comtois garde néanmoins son orientation positive. Il sait imaginer, certes, mais son imagination est essentiellement constructrice et réalisatrice. Dans ce domaine-là comme dans celui de l'art, il a l'horreur du gratuit; il méprisera l'éloquence vaine, l'humanisme fleuri et tournera ses aptitudes intellectuelles vers l'action immédiate. Le Jurassien écrit volontiers, et bien, mais surtout dans le rayon de la polémique et de la critique littéraire : car son instinct profond n'est point tant de composer que de convaincre.

Marguerite Bourcet (Dole) 1899 - 1938


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Le comportement du Haut-Jurassien

extrait du livre "Histoires populaires du Haut-Jura" de Michel Grand-Clement

La meilleure définition, la plus succinte et la plus subtile analyse qu'on puisse faire sur le caractère des habitants du Haut Jura, se trouve dans le livre "Dick Moon en France" (1890) de l'écrivain écossais Francis Wey :

"Les habitants sont en harmonie avec la terre qu'ils cultivent : revêches comme les Suisses, ils n'en ont pas la cupidité; ils imposent leur hospitalité avec une cordiale rudesse et s'offensent quand on la refuse. Ils traitent leurs subordonnés comme leurs égaux et font de même avec leurs supérieurs. Indépendants, parce qu'ils sont désintéressés, ils sont serviables par une générosité naturelle et embarrassante, ils ont beaucoup de conscience, avec peu de religion, et de l'orgueil sans aucune vanité. Des bretons, plus incivils et moins superstitieux, plus "militaires" et moins soldats, tels sont les montagnards jurassiens."

Dans son carnet de voyage en 1863-1865, Taine note, à propos des hommes du Haut-Jura :

"La figure et la taille des hommes ont changé, ils sont plus grands, moins vifs, moins gais, moins familiers. De ce vert et de cette humidité universelle, de ces sapins et de ces montagnes, sort l'idée d'une vie plus grave et plus triste."

Pour sa part, Lamartine parle de la terre de ses aïeux dans les termes suivants :

"Et moi aussi, j'ai puisé la moitié de mon sang à cette source des montagnes, j'ai la moitié de mes aïeux dans ces forêts, dans ces torrents, dans ces donjons de la vallée de Saint-Claude et jusque dans cette ville aujourd'hui si riche, si industrielle et si pastorale de Morez. Le premier chalet et la première usine de cette colonie y portent encore le nom de ma famille qui les a fondés; les habitants d'aujourd'hui gardent dans leurs souvenirs, la reconnaissance qu'ils m'ont plusieurs fois témoignée pour les pères de leur cité qui furent mes pères. Aussi, du haut des collines de la Saône, je ne jette jamais mes regards sur la chaîne lointaine du Jura, nivelé à l'horizon comme une falaise de l'ether, au dessous de la pyramide de granit rose du Mont-Blanc, sans me reporter en esprit dans la vallée de Saint-Claude, dans la forêt du Fresnoy, vendue pour un morceau de pain par mon père, et qui fait aujourd'hui l'opulence de cinq ou six familles à millions de capital; dans les décombres des châteaux de Pratz, de Villars, des Amorandes, et dans les nombreuses fermes de ces montagnes, où le lait des vaches coule comme des rigoles d'écume dans les fromageries des sapins, sans me dire avec amertume : Pourquoi ma famille est-elle descendue dans la plaine ? Pourquoi a-t-elle quitté ces solitudes du Jura, pour cette fourmillante Bourgogne et le sapin de Hongrie pour la vigne de la Saône ?"

En 1815, Lamartine a séjourné plus d'un mois à Maisod et à Saint-Claude. Il y a fait par la suite, plusieurs séjours. Voici la vision qu'il donne de Saint-Claude :

"Le vallon de Saint-Claude, dont la ville se confond au fond d'une gorge avec les falaises grises de ses rochers, a une profondeur, des tournants, des anfractuosités, des abîmes, des vertiges qui fascinent les yeux, du haut de ces divers plateaux qui la dominent. Je n'ai vu de pareils effets de perspective dans les profondeurs, qu'au Liban.

Saint-Claude, ville aussi toute sacerdotale et toute laborieuse des petites industries du fer et du buis ciselé, est la Zharklé du Jura; ses cloches retentissent et ses cheminées fument; ses silences dorment et ses cours d'eau et ses scieries et ses enclumes, et ses tours où l'on façonne le buis, bruissent comme une ville fantastique, qui apparaît hors de la portée des sens, au fond d'un des cercles du Dante, à travers les brouillards des eaux pulvérisées par leur chute et des rayons du soir répercutés par les parois de ces montagnes."


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Boire pour ne pas devenir crétin

Village de Montaigu


C’est J.B. Baillière un spécialiste du goitre, qui en 1867 donne ce conseil.

Le village de Montaigu est situé à 420 mètres d’altitude sur une éminence isolée de toutes parts; ses maisons sont d’une propreté irréprochable. Quant à la misère, c’est un mot qu’il ne faut pas prononcé lorsqu’on parle de la région occupée par le vignoble jurassien : il est peu de pays où l’aisance soit aussi général et c’est sans doute à cette cause et à l’usage du vin qu’il faut attribuer la rareté du crétinisme dans ce département.

Les imbéciles du Jura sont bien loin de présenter la dégradation physique des crétins des Alpes. Néanmoins pour tout observateur habitué à reconnaître les diverses formes du crétinisme, il est évident que cette dégénérescence n’est pas inconnue dans le pays.

Il est de notoriété publique que les gens de Grozon, en particulier, ont l’esprit lourd et obtus. Nul part l’influence des terrains sur l’espèce humaine n’est aussi manifeste que dans ce département.

Il est facile d’y reconnaître trois types tranchés : le bressan, l’habitant du vignoble et enfin le montagnard des terrains jurassiques et crétacés.


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