http://foncinelebas.free.fr


du Gruyère au Comté


On sait que les Vionnet viennent de Suisse, comme beaucoup d’autres.

Ils fuient les protestants qui ne les aiment pas trop; et ils sont attirés par les avantages que leur propose le seigneur de Mouthe qui doit repeupler ses terres ravagées par les suédois de Louis XIV, puis par la grande peste de 1639.

De plus nos Vionnet sortent de Vaulruz en Gruyère, et la Gruyère est le berceau du gruyère et ce sont les fromagers de la Gruyère qui l’ont importé dans le Jura ... où il est devenu Comté.

Comment les suisses fabriquaient-ils ce fromage ? C’est à travers les lettres d'une française en voyage en Suisse, au moment de la révolution, que nous l'apprenons. Cette dame de passage à Berne, veut voir Lauterbrunn et Gründenval pour y trouver des beautés que l’on ne trouve que dans les Alpes. Elle passe par Thoun, Oberhosen, Untersee puis entre dans la montagne, où elle admire les chalets et les vaches :


fromagerie de Moleson (canton de Gruyère) 5 juin 2003

Suite (promenade à Lauterbrunn)


Les Chalet sont des cabanes peu élevées, construites, ainsi que les étables, avec des madriers de sapins. Une seule pièce compose le rez de chaussée. Elle est coupée par une crêche habitée d’un côté par les vaches et de l’autre par les bergers. Des herbes sèches étendues dans un coin, leur servent de lits et de matelas. Dans l’autre on établit un fourneau pour cuisson du laitage. Peut-être ne serez vous pas fâchée de savoir comment on procède à une branche de commerce si importante.

Les chalets sont ordinairement habités depuis la fin de mars jusqu’au mois d’octobre.
Quand le lait est bien gras, on l’écrème entièrement. Dans le cas contraire on en laisse une partie, que l’on verse avec le lait caillé dans une chaudière de cuivre, pour le faire tiédire. Alors on l’éloigne du feu, et l’on y verse du petit-lait, dans lequel on a mêlé de la vessie de veau; ce mélange se nomme présure. On couvre la chaudière, et le lait achève de se coaguler. On le divise ensuite avec une grande cuiller.

Remis sur le feu, on l’y laisse jusqu’à ce qu’il soit assez chaud pour ne pouvoir plus y tenir la main, en observant de le remuer continuellement avec un bâton d’épine. Ce moment arrivé, on le laisse reposer jusqu’à ce que le fromage soit au fond; en le retirant, on le place dans des moules faits avec des cerceaux.

Le linge qui entoure les moules, recouvre les fromages, que l’on charge de pierres assez pesantes pour en exprimer ce qui reste de petit-lait. Quand les fromages ont pris assez de consistance, on les retire des formes pour les poser sur des rayons, où ils seront arrosés avec de l’eau salée, jusqu’à ce qu’ils soient assez faits. Tous les deux jours on a soin de les retourner. C’est ordinairement dans un bas cellier, construit au nord, qu’ils sont enfermés.

Le petit-lait resté dans la chaudière est remis sur le feu; on y mêle une nouvelle présure plus forte que la première. Elle est faite avec l’ancien petit-lait, du vin blanc et des fèves. Ce résultat achève d’épurer le petit-lait; le sédiment de la partie séreuse forme ce que l’on nomme serret. On en fait des fromages de seconde qualité.

Les gardiens des chalets et les habitants des hautes montagnes ne connaissent point d’autre nourriture que celle que leur procure le petit lait lorsque l'on en a tiré les premiers fromages. Il sert à rafraîchir le pain. quand ils n'en ont point, ce qui est fréquent, ils y mettent du serret coupé par morceaux. Le petit lait entièrement dépouillé, leur sert de boisson. lorsqu'ils manquent d'eau, ou qu'il en craignent la crudité lors de la fonte des neiges.

Nous remontâmes, ma fille et moi, dans notre chariot pour gagner le chemin de Grinfval.

Le docteur Munier s’intéresse aussi au gruyère et aux fromagers sorciers :

Les fromagers fribourgeois (La Gruyère appartient au canton de Fribourg) étaient devins ou sorciers. C’est Incontestable.

fromagerie de Moleson (canton de Gruyère) 5 juin 2003

Les anciens fromagers ne fermaient jamais leurs portes. Âme humaine ne pouvait y pénétrer sans recevoir de suite la punition de sa témérité. Tout le monde a vu ce voleur qui avait voulu exercé son industrie dans un chalet et qui après y avoir pénétré et chargé un fromage sur ses épaules, fut arrêté à la porte par une puissance invisible qui l’empêchait de pouvoir avancer ou reculer. Le gruyrin l’avait enclos. Il resta deux jours à la porte du chalet, son fromage sur l’épaule; et il y serait encore sans aucun doute si le gruyrin ne lui eut commandé de reporter le fromage à sa place et de ne plus reparaître au chalet; ce qu’il n’eut pas la tentation dans la suite.

Et de citer le grand spectre qui élève les génisses à dix pieds de haut et ne les rend que lorsqu’on a bien prié les mains jointes, ou la fée qui vient en conduisant deux chèvres blanches quand l’année est abondante et deux chèvres noires si elle est doit être mauvaise, ou les serpents qui tètent les vaches et qu’on met en fuite en lâchant un coq blanc dans le pâturage.

Cette forte croyance que les fromagers étaient devins et sorciers contribuait, chez nos bons aïeux, plus puissamment à empêcher les fraudes et les altérations du lait ainsi que les vols qui se commettent dans les fromageries, que les éprouvettes et les aéromètres ne le font.

Oublions le fromage, et retrouvons nos touristes qui, après avoir visité un chalet, s'en vont à Lauterbrunnen puis à Grindelwald. Ces deux villages et l'industrie du fromage ont un point commun. On ne les reconnait plus.

Suite (promenade à Lauterbrunn)


haut de page