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Lauterbrunnen autrefois


La dame et sa fille viennent de visiter le chalet où on fabrique le fromage et s’en vont à Lauterbrunn pour y voir des beautés que l’on ne trouve que dans le sein des Alpes. Elles sont passées par Thoun, Untersée , Saint Béat et découvrent enfin le mont de la Vierge, haute montagne au pied de laquelle Lauterbrunn est bâti.


Lauterbrunnen en mai 2007

du Gruyère au Comté
Grindelwald

plus de photos de Lauterbrunnen dans le chapitre Itinéraires

la chute du Staubbach à Lauterbrunnen

Nous primes au village d’Unterseen, un chariot pour nous conduire à Lauterbrunn, dont nous étions éloignées de quatre à cinq lieues. A moitié chemin environ, la vallée ,qui est très resserrée, se divise par une nouvelle chaîne de montagne et présente deux chemins aux voyageurs : à gauche est celui de Grinderval; l’autre conduit à Lauterbrunn.

La beauté et la variété des sites que je vis dans cette soirée sont impossibles à peindre. Une route de quatre pieds et demi de large, pratiquée au bord d’un torrent roulant ses flots grisâtres sur des rochers dont quelques uns forment des ponts naturels. Tantôt cette redoutable rivière est de niveau avec le chemin; d’autres fois elle en est à deux cents pieds.

Là un petit bois d’aulne vous fait oublier le danger. Il l’est à son tour par des montagnes à perte de vue, desquelles se précipitent de nouveaux torrents. On y voit aussi jaillir des fontaines d’un volume considérable. Elles tombent en cascades dans la prairie ou alors elles coulent et fuient en serpentant. Plus loin ces rochers pelés et taillés à pic présentent l’image d’une forteresse. Des bancs de pierre qui en se détachant des montagnes sont arrivés sur les bords du chemin laissent derrière eux des traces effrayantes. La nature qui se plait à vaincre les difficultés et à opposer des contrastes y fait croître des touffes d’épines-vinettes et de framboisiers. Sous leur ombre on aperçoit le fraisier, le polipode, et quelques gentiane.

Le jour tombait quand nous arrivâmes à Lauterbrunn et nous ne pûmes en voir les environs. On y trouve des rochers calcaires, des granites, du plomb et du fer. La population de la vallée est portée à deux mille trois cents. Les hommes passent pour être les plus beaux et les plus forts des treize cantons. On y élève beaucoup de bestiaux; l'exportation annuelle des fromages en Italie est de mille quintaux.

 

Les maisons sont bâties séparément sur de petites hauteurs. La vallée est étroite, stérile en blé; il n’y croît que de l’herbe. La culture des pommes de terre peut, seule y réussir. On assure que le tremblement de terre de Lisbonne s'y fit fortement sentir, que les oiseaux de proie quittèrent les sommets des rochers pour se réfugier dans la plaine.

Le village est composé de quelques maisons en bois, également éparses. Elles offrent aux étrangers de misérables asiles. Celle du pasteur étant préférable à l’auberge, ce fut chez lui que nous descendîmes. Elle a été rebâtie aux frais de la république, dans l’intention de procurer aux curieux voyageurs un abri plus commode. Des anglais, arrivés avant nous s’étaient emparés de la maison et ce fut après bien des négociations qu’on nous abandonna une pièce où l’on nous permis de passer la nuit.

La fatigue du jour m’avait donné un appétit dévorant: jusqu’au moment du souper je me réjouissais de m’y livrer ,mais son aspect m’enleva à la fois et le désir et la possibilité. Trois ou quatre ragoûts aussi mauvais que désagréables à l’oeil, ne purent même pas être mangés par les hommes qui avaient ri d’abord de ce qu’ils nommaient ma délicatesse. Un jambon parut, et une crème aux fraises. Le jambon était rance et salé; les fraises, cuites et longtemps gardées, sentaient l’aigre et le moisi. Pour apaiser ma faim, je fus trop heureuse de trouver deux petits pains que j’avais pris à Thoun par précaution car celui du ministre préparé par sa femme était noir et assez mauvais. Le lendemain matin, on nous offrit du café, sur notre réponse, on nous présenta une légère décoction de cette graine marine : la crème était parfaite, elle nous tient lieu de tout.

Un orage que nous avions vu se former en route, ne tarda pas à éclater après notre arrivée à Lauterbrunn. Le tonnerre s’était fit entendre pendant le souper. Je sortis de table sans regret pour contempler à mon aise ses effets d’une fenêtre où j’allai me placer. La foudre partant de plusieurs points à la fois, éclairait assez l’horizon pour que je pusse y distinguer les vues variée et pittoresques de la vallée.

Il m’est impossible de décrire la beauté et l’horreur du spectacle. Le bruit du tonnerre, effrayant, redouble de bruit dans ces montagnes. Le son s’y prolonge.
La pluie devint si abondante qu’en moins d’une demi-heure plusieurs torrents qui se précipitaient des montagnes augmentèrent au point de menacer d'engloutir les habitants de la vallée. Mais le danger ne fut pas long; l’orage cessa, la lune parut, éclaira la scène et nous laissa entrevoir la chute du Staubbach.

Arrivée tard j’avais à peine vu la maison, les hôtes et leurs enfants. Jugez de ma surprise le lendemain matin dans une salle basse ressemblant à une étable, mais moins propre que celles que l’on trouve communément en Suisse. Trois ou quatre enfants malades, que je pris pour des marcassins, étaient couchés sur le même grabat. Des piles de fromages mêlaient leur odeur désagréable à celle de l’ail, sur lequel on marchait. Ce mélange infect s’accroissait encore par les exhalaisons des petits moribonds, couverts de crasse au point de ne pas distinguer leurs traits.

La maison du ministre était presque vis à vis de la chute du Staubbach. Nous nous en approchâmes vers huit heures du matin. C’était le moment, dans les grands jours d’été où le soleil caché jusque là par la montagne située en face, se montre enfin et forme à la droite du Staubbach, un arc en ciel brillant des couleurs les plus vives. Après avoir gravi la colline dont la pente est assez rude, on en jouit en se plaçant à une petite distance. Il change de place à mesure que l’on avance et disparaît entièrement quand on en approche.
Le Staubbach, ou torrent d’eau, se divise en deux parties. La plus intéressante tombe perpendiculairement. C’est celle que nous vîmes. Pour jouir de l’autre il faut être sur la montagne.

Nous repartîmes, ma fille et moi dans notre chariot pour gagner le chemin de Grinderval, en revenant sur nos pas. Ce que nous ne fîmes point sans murmurer contre la faiblesse de notre sexe et la supériorité des hommes due à la bonté de leurs jambes. Les nôtres ne nous permettant pas de nous rendre à Grinderval par les montagnes et la partie supérieure des glaciers.
A l’arrivée de nos compagnons de voyage, nos regrets diminuèrent de n’avoir pas pu suivre avec eux le chemin des montagnes. Non seulement ils étaient excédés de fatigue, mais ils nous assurèrent que les glaciers se voyaient aussi bien de la vallée que par le chemin pénible qu’ils avaient parcouru.

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