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L'automne

ferme des Serrettes

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Texte de Micheline

Les jours raccourcissent. L'air a pris une douceur et les jours comme un velouté. La douce lumière des après-midi nimbe d'or les foyards. De ci, de là, frissonne la torche flamboyante des trembles. Des flis de la vierge passent dans la lumière, portés par l'air léger. C'est le temps des baraques de branches et de mousse ou des châteaux forts sur les murgers, constructions en pierre sèches qu'on retrouvait d'année en année.

Comme des écureuils, les enfants que nous sommes, grignotons tout ce qui se mange. Roland se fait des festins de gadouillards, ces petites baies ovales qu'on presse entre les doigts comme un tube de pommade. Nous savons où se trouvent les meilleures senelles (choux gras), celles qui ont un peu de chair grasse autour du noyau.

Nous nous faison, avec les filles au Grand Joseph, des festins de faines grillées. Elles en auront tellement la colique que leur mère est descendue exprès d'En Haut des Prés pour nous gronder. Comme le jour où nous avons mis le chien dans la fontaine pour le voir nager !

Gorges de Malvaux

Cette année là, notre moyen de transport à travers les creux et les bosses, c'est le vieux vélo du grand-père. Il traînait dans la vieille maison d'où Paul l'a exhumé. Il n'a ni selle ni pneu. Paul pédale avec la barre du cadre sur la hanche. Quant à moi, un peu plus longue sur patte, malgré le sac entortillé autour de cette barre, cela me fait trop mal au derrière pour que j'apprécie pleinement !

A la combe Guignard, quand les allemands ne sont pas là, il y a la baraque de tir, avec son va-et-vient de cadre suspendu dans lequel nous prenons place pendant qu'un autre berger en vadrouille actionne la manivelle. Toutes les douilles de cartouches sont ramassées comme un trésor.

C'est aussi le temps des longues après-midi où le dos fait mal parce qu'on ramassse les pommes de terre. Comme il fait bon s'asseoir sur un sac pour manger la pomme craquante et sucrée ou deux trois poirons apportés par l'André Guy ou la Cécile. Le soleil descend rapidement. La fumée bleutée des fournaches de fanes rampe à ras le sol et son odeur emplit le soir.

Il faut rentrer. Bêtes et gens ont terminé la journée. Dans la tiédeur de la cuisine, la famille est rassemblée. Ca sent les patates aux cochons qui cuisent dans la grande marmite. Le feu ronfle et projette sur le sol des lueurs dansantes. Sous le fourneau, la chatte, les pattes dans son manchon, dort. Paul, debout dans le tonneau de sciure, mime le vigneron en train d'écraser le raisin. Moi je suis la touriste qui passe et qui demande : "Le vin sera-t-il bon ?". Et le vigneron tend son pied nu en disant : "Gouttez, Madame !". Cette blague trouvée sur je ne sais quel almanach nous occupera en attendant de jouer au trésor caché dans la sciure. Une vache secoue sa clochette. La marmite d'eau chante. Dans le halo de lumière qui tombe de la lampe à pétrole, la famille est rassemblée pour la longue soirée paisible. C'est le temps de vivre ...


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