Les "Horlogeurs" de Foncine |
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Charles Thevenin, nous apprend dans le Progrès du 14 septembre 2003, comment l'industrie horlogère était fortement implantée à Foncine le Bas aux 17e et 18e siècle. Foncine fut à cette époque au coeur de l'essor artisanal et industriel du Jura. En 1850, certains Fonciniers, comme Joseph Jeunet, étaient déjà partis aux Etats-Unis exporter leur savoir faire. Des noms sont restés célèbres, tel celui de ODOBEY, dont on trouve les horloges, encore aujourd'hui, aux quatre coins du monde comme La Paz, Rangoon ou Djibouti. C'est parce que la Saine était trop capricieuse, que cette industrie, qui dépendait avant tout de la force hydraulique, quitta Foncine, comme d'autres, pour s'installer à Morez au bord de la Bienne, où elle se développa comme on le sait. Voici cet article : |
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de l'Horlogerie de Morteau
C'est l'eau qui tint l'industrie sur les fonds baptismaux. Le savoir faire, la maîtrise de la matière avaient été acquis par la succession des générations. Mais c'est la force motrice des rivières qui permit la véritable production. Il y a bien longtemps qu'on savait utiliser cette inépuisable ressource dans la vallée supérieure de la Saine. Foncine le Haut, proche de la frontière suisse, servit peut-être de berceau original. Mais très vite, on voit une sorte de corporation, quittant les extrêmes amonts de la rivière, s'installer à Foncine le Bas. Ici, la Saine a déjà pris une autre dimension. L'apport d'innombrables ruisseaux sécurise le débit et évite surtout un étiage estival parfois médiocre. Au 17et et 18e siècle, Foncine le Bas, multipliant les ateliers, est au coeur de l'essor industriel du Jura. A l'égal de ce qui se passe à Morez, on fabrique des lunettes et des horloges. Des dynasties se mettent en place. Dès 1850, Joseph Jeunet, de Foncine le Bas, est installé, comme "propriétaire horloger" en Pennsylvanie d'où il entretient des rapports réguliers avec sa famille et son village d'origine. Dans les mêmes temps, Fumey, à Foncine le Haut constitue une autre référence. C'est lui qui installe au sommet du château d'eau, la grosse horloge qui rythme la vie des Champagnolais. Les Odobey sont au nombre de ces industrieuses familles. On ne sait pas trop depuis quand ils sont à Foncine le Bas. Apparemment, l'ancêtre vient de la Rixouse, dans la vallée de la Bienne. Au contact du fourmillement Foncinier, ils sont devenus des artisans notables. Mais à partir du milieu du 19e siècle, l'horlogerie subit une grave crise.
Le marché commence à être saturé. Les Jurassiens doivent subir une rude concurrence venue de la Forêt Noire et du Val de Ruy Suisse. Les horloges d'édifices de Morbier, de Morez, de Foncine équipent maintenant la quasi totalité des églises.
La vague de construction des mairies-écoles n'a pas encore commencé. De toutes façons, la phase primitive d'industrie villageoise, touche à son terme. Les plus avisés comprennent qu'ils doivent passer à un stade supérieur ou disparaître. Mais en 1850, l'industrie naissante, plus que jamais, dépend de la force hydraulique. Louis Delphin Odobey, dit Cadet, est né à Foncine en 1827, dans la famille de Jean Alexis, cultivateur. Il exerça d'abord ce noble métier avant de s'intéresser, comme tant de ses voisins, à l'horlogerie. Marié, en 1850 à Célina Jeannin, il exerça d'abord cette nouvelle activité à Foncine. Mais à l'aube de son existence professionnelle surgit la crise. Comme beaucoup de ses voisins et collègues Fonciniers, il est amené à un constat : Pour aborder un nouveau statut, on ne peut pas trop compter sur la Saine. Le débit souvent torrentiel de la rivière demeure cependant trop aléatoire pour établir sur ses rives une usine dépendante. Dans le Haut Jura, un noyau dur "d'horlogeurs" s'est établit autour de Morez-Morbier. Beaucoup de Fonciniers, attirés par cette symbiose, et surtout par les possibilités hydrauliques que promet la "Combe à Morel" viennent asseoir leurs "mouvement" au bord de la Bienne. En 1858, Louis Delphin Odobey établit à Morez une fabrique d'horloges d'édifices. Elle va rapidement prendre une ampleur internationale. Sur un catalogue des années 1900, on lit "la maison L.D. Odobey Cadet est la plus ancienne des fabriques d'horlogerie monumentale de la région. Elle a toujours obtenu les plus hautes récompenses aux expositions". Sous le titre "quelques références" on trouve la liste de 4000 horloges, issues de la fabrique spéciale d'horloges publiques "Odobey Cadet" qui équipent clochers et édifices publiques de la France entière. Certains départements, tel le Puy de Dôme possèdent près de 200 horloges jurassiennes. Mais il en existe plus de 50 en Suisse, une trentaine en Algérie. Plus de 100 horloges sont réparties entre la Belgique, l'Espagne et le Portugal. Il y en a encore au Brésil, au sommet du palais du gouvernement Bolivien, à la Paz, à Rangoon, à Djibouti, en Turquie, en Colombie, en Roumanie. On peut parier que dans la majorité des cas, ces mécaniques fonctionnent encore. Il exista dans la gamme, cinq modèles "complets pour clochers". Leurs tailles étaient dépendantes du poids de la cloche qui devait leur être associée.
Ce sont de véritables merveilles mécaniques. Elles mesurent environ 1,50 mètre de haut, la largeur varie de 0,95 à 1,15 mètre, les "petites" pèsent 350 kg, mais les modèles capables d'animer des cloches de 800 kg peuvent atteindre le double. Elles sont montées dans un chevalet en sapin ferré. Une gamme considérable d'accessoires leur était associée. La somme "technologique" qu'elles contiennent est assez fabuleuse et traduit bien cette sorte de génie mécanique que savait mettre en oeuvre certains de nos prédécesseurs. L'émulation, engendrée par de constants rapports de "voisinage" faisait le reste ... Ces horloges pour hôtels de ville, maison d'école, clochers ou encore pour châteaux, usines, communautés, entièrement fabriquées localement, resteront les pièces emblématiques du savoir faire jurassien. Paradoxalement , il y a moins de clochers jurassiens équipés par Louis Delphin Odobey Cadet que dans l'Hérault, la Haute Marne ou la Haute Garonne. On en trouve à Conte, à Esserval Tartre, à Mignovillard, à Onglières, au Vaudioux, à Charency ou à Crotenay, entre autres. "Odobey Cadet" créé en 1858, fut dilué dans diverses entreprises. L'usine morézienne primitive ne ferma ses portes qu'en 1954. Mais préalablement, Paul, fils de Louis Delphin, s'était associé en 1910 avec Terraillon et Petitjean. Cette entreprise parallèle s'établit à Perrigny. |