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Le Lac de Bonlieu

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On lit dans l’Almanach Comtois de 2008 deux pages intéressantes sur un revenant du Lac de Bonlieu et je me permets de les emprunter pour tenir compagnie à celles consacrées au Lac à la Dame. Ce lac est superbe, bien plus beau que le nôtre. Se promener sur sa rive sud est un délice. Monter jusqu’au belvédère au coucher du soleil tout autant.

Le revenant de Brigitte Rochelandet est certes un enfant de choeur comparé à nos sorciers et sorcières, ou à nos loups-garous.

Mais le lac de Bonlieu a aussi ses légendes, témoin celle de Claude Vaudrey, le sire de l’Aigle, qui fut enlevé de son château directement au ciel sur son cheval blanc par la fée Burgondia et que l'on apperçoit quelques fois dans les airs au dessus du lac de Bonlieu, armé et casqué. Le magnifique coursier semble parfois effleurer le sol pour rebondir vers une cime.

Chartreuse de Bonlieu

Ce lac a aussi son histoire - qui est celle de la Chartreuse - ancienne, célèbre et souvent tragique.

En juillet-août 1944, ce bâtiment était occupé par le maquis Pierre qui relevait du capitaine Vauthier installé à la Fruitière.
Pierre avait, dangereusement, installé un poste de guet sur la RN 78 au carrefour du chemin du lac. Le 3 août, ce groupe (de jeunes qui venaient d’arriver au maquis) avait mitraillé un convoi de soldats allemands qui passait par là. Ces derniers, évidemment plus nombreux, mieux armés et mieux aguerris n’avaient pas eu de peine à les neutraliser puis à les massacrer. Ils étaient sept, dont Guy Stemlen, de Foncine le bas. Les allemands incendièrent ensuite le hameau et la chartreuse, sans se douter, disait-on qu’un des leurs, capturé peu de temps auparavant, était emprisonné dans une cave
Le lendemain ,les allemands revenaient à Bonlieu en plus grand nombre. Mais cette fois Vauthier avait mis en place la compagnie Hassan; la meilleure de son maquis. Hassan amenait avec lui tout son effectif et les allemands laissaient nombre de cadavres. Vauthier ayant demandé au maire de les faire disparaître pour éviter une vengeance. Ils furent jetés dans le lac, d’où ils fûrent retirés après le guerre par leurs compatriotes.

Vers 1950, on déconseillait de se baigner dans ce lac, peut-être pour cette raison ...

Voici maintenant le conte de Brigitte Rochelandet, moins cruel et plus charmant :


texte de Brigitte Rochelandet

Telle une perle dans son écrin, le lac de Bonlieu ne s’offre qu’à ceux qui le méritent !

Au milieu d’une vaste et dense forêt et dominée par une arête rocheuse boisée, ces eaux sombres invitent à la sérinité et à la méditation. Raisons essentielles expliquant la fondation en 1170 d’une chartreuse par Thibert de Montmorot, destinée à l’adoration divine et à la prière des religieux jusqu’à la Révolution.


Magnifique et mystérieux, le site abrite de nombreuses légendes d’un autre temps, où nos ancêtres croyaient que tout était possible et que rien n’était impossible. Du temps où d’étranges bruits inexpliqués et effrayants raisonnaient dans la forêt, où d’horribles créatures apparaissaient aux voyageurs égarés les invitant à les suivre pour tester leur courage et où de jolies fées tendaient malicieusement la main aux jeunes héros pour mieux les perdre avant de s’enfuir en riant aux éclats. L’un de ces récits fabuleux relate la terrible aventure survenue à un seigneur des lieux, dont le nom s’est oublié à jamais.

Autrefois chaque soir, une mystérieuse silhouette manifestait sa présence sur la rive, par d’émouvants pleurs attestant d’une immense tristesse. Agenouillé, un noble chevalier en armure, sa visière levée, tentait de puiser de l’eau, afin de laver son visage et ses mains sanguinolents. Qui était cet homme? Que faisait-il là? Qu’espérait-il ? son histoire mérite pitié.


Il y a bien longtemps, par une belle nuit d’été, la lune était pleine, le chevalier traversait ses terres afin de rejoindre son château. Son cheval galopait à vive allure, quand soudain, près du lac, il se cabra. Bon cavalier l’homme réussit à le maîtriser sans chuter, mais il avait perçu la terreur de l’animal. Se demandant quelle en était la raison, il cessa tout mouvement afin d’écouter les bruits de la nuit. IL entendit d’étranges rumeurs venant du bord du lac. Courageux il descendit de son cheval, l’attacha pour le préserver et s’enfonça dans le bois en direction du lac. Vaillant il rejoignit la rive sans peur mais sentant quelques dangers, il se cacha derrière un gros sapin, pour ne pas être aperçu et contempla l’horrible spectacle.

Chartreuse de Bonlieu

Au milieu d’un grand feu, mi-homme, mi-bouc, le diable trônait fièrement tel un maître dominateur. Ses yeux brillaient de joie à la vue des villageois venus l’adorer en cette nuit de sabbat. Hommes et femmes, sujets du chevalier, étaient sur leurs balais magiques, avaient travesé les airs, afin d’honorer le diable. Ils dansaient, riaient, mangeaient, buvaient et se livraient à toutes sortes d’exactions ! Nullement apeuré, le chevalier s’avança vers la troupe endiablée afin de convaincre ses paysans de revenir à la raison et de ne point rester esclave de Satan. Mais à peine fut-il découvert par les participants, n’ayant pu prononcer un mot ou faire un signe de croix pour lutter contre le malin, ceux-ci se jetèrent sur lui, le traînèrent et le tuèrent sans hésitation, devenus fous furieux. Puis ils abandonnèrent son cadavre, tel un vulgaire animal, sous des branches, avant de repartir chez eux, après avoir salué le diable.

Dans le village, la disparition du valeureux seigneur ne passa pas inaperçue mais nul ne dit jamais la vérité, et le corps resta sans sépulture et sans bénédiction mortuaire. Abandonné aux outrages du temps, ce corps provoqua une grande souffrance à son âme; elle refusa de quitter la terre, préférant errer entre deux mondes que d’être accueillie au purgatoire où elle serait soumise à certaines épreuves douloureuses. Elle pensa préférable de rester sur place afin d’obtenir de l’aide et donc d’apparaitre chaque soir. Etait-elle fantôme ou revenant ? La question mérite une réponse.


Les fantômes sont des êtres surnaturels sans identité. Leur seul désir est de tourmenter et obséder les vivants, par des farces ou des méchancetés. Ils n’ont pas d’espérances ni de souhaits précis. Les revenants portent nom et prénom; ils sont reconnaissables par leur famille, leur village. Ce sont des humains morts violemment, assassinés, noyés, sans avoir eu le temps de se préparer à la confession et sans avoir reçu les derniers sacrements. Leur âme est en peine, mais elle peut être sauvée par une bonne volonté et ainsi rejoidre la lumière du Paradis. Le chevalier de Bonlieu revint donc chaque soir afin d’obtenir justice. En attendant son sauveur, il se lavait pour effacer les traces de sang afin de n’effrayer personne. Plusieurs voyageurs le rencontrèrent, mais tous, poltrons, se sauvaient voyant son état et imaginant le pire !

Jusqu’à ce jour, nul n’a sauve ce valeureux chevalier. Si vous vous promenez le soir près du lac, écoutez bien ! Peut-être entendrez-vous les pleurs d’un homme qui n’ose demander votre aide, mais qui en aurait bien besoin.
Cette triste légende nous pemet de mieux comprendre les croyances et les peurs de la société médiévale. Elle induisait, autrefois, une morale envers les morts, celle de les respecter; elle contribuait à promouvoir une aide bénéfique aux mourants et renforçait l’observance des traditions.

La Chartreuse de Bonlieu peut s'enorgueillir d'une autre célébrité que l'on a déjà rencontrée au Pont de la Chaux. Il s'agit de Juan de Watteville. Lorsqu'il quitte la carrière des armes, après avoir tué en duel un grand d'Espagne, il se réfugie dans la Chartreuse de Bonlieu. Mais il oublie vite ses résolutions et les règles du monastère et il s'évade après avoir tué de plusieurs coups de couteau le prieur qui tentait de le retenir. On connait la suite : après un nouveau crime au Pont de la Chaux, puis un duel à Madrid, il s'en va proposer ses services au Sultan. Il se fait circoncire et devient mahométan. Revenu en France, il obtient du pape l'absolution de ses crimes et de trahison en trahison, il revient à L'abbaye de Baume où il vit en grand seigneur et meurt à 84 ans le 4 janvier 1702 (voir également la page sur Dom Juan de Watteville).


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