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28, 29 janvier 1871, Combat des Planches

 


La guerre de 1870-71 ne s'est terminée ni le 4 septembre 1870 lorsque Napoléon III a été fait prisonnier à Sedan, ni le 28 janvier lorsqu'à été signée la capitulation à Paris, mais chez nous, au bas des gorges de Malvaux, le 30 janvier 1871.

Voici, sous la plume de Charles THEVENIN, le récit de ces événements :


la Billaude, 5 juin 2004

voir également les pages précédentes consacrées à ces évènements :

texte communiqué par Jean-Pierre FUMEY

La prise du couloir Lemme-Saine par les prussiens, coupait le dernier axe de fuite de l'armée de l'Est. L'ennemi dans une ultime ruée concentrique, pouvait fondre sur la Cluse de Pontarlier et les pauvres "Bourbaki".

la Billaude


menuLe contexte

On dit que c'est la fameuse "dépêche d'Ems" qui servit de détonateur. En fait, tout le monde peu ou prou souhaitait l'affrontement. Le 17 juillet 1870, quand la France déclara la guerre à l'Allemagne, le bellicisme ambiant, de part et d'autre, put s'étaler librement.

L'affaire tourne rapidement au désastre pour les soldats du second empire. Au mois de septembre Napoléon III qui accompagnait Mac Mahon, est fait prisonnier à Sedan. Pour les troupes françaises commençait une période fébrile où les improvisations malheureuses, les décisions inadaptées, les attitudes coupables, vont devenir une règle dont se jouera Bismarck. Comment interpréter le comportement de Bazaine, enfermé dans Metz ? En tout cas les désastres se succèdent. Paris est assiégé par 180000 prussiens dès la fin septembre. En janvier 1871, les armées de la Loire et du Nord sont balayées. Pour des raisons politiques internes où se mêlaient la défiance vis à vis des républicains, la peur d'une prise de pouvoir révolutionnaire et même la crainte d'un réveil "chouans", Jules Favre, chef du gouvernement, demande précipitamment l'armistice le 23 janvier. Mais l'armée de l'Est, commandée par le bonapartiste Bourbaki est exclu de cet accord ...

Pourtant Belfort et Denfert-Rochereau "tiennent" jusqu'au 29 janvier. Pour la pauvre armée de l'Est, acculée à la frontière dans la neige et le froid, la débâcle amorcée en janvier, prend des accents hallucinants.

gorges de Malvaux

menuLa stratégie

L'incohérence qui avait conduit la guerre, côté français, trouva son paroxysme ce 29 janvier 1871. On ne saura jamais exactement les raisons qui firent exclure l'armée de l'Est de l'armistice, officiellement promulguée ce jour là. Mais cette première "incongruité" fut suivie d'un fait dramatique. Pendant que Bismarck et Von Moltke télégraphiaient à leur armée "sud", le texte intégral de la dépêche, Jules Favre "oubliait" de mentionner cette exception. Clinchant, successeur de Bourbaki "suicidé" le 26, faisait ainsi sonner le cessez-le-feu pendant que Manteufel ordonnait à ses troupe de poursuivre les opérations jusqu'au "résultat final".

Pour les "Bourbaki" le salut résidait dans la fuite. Depuis le succès initial de Villersexel le 10 janvier et un premier revers sur la Lizaine le 17, la seule manoeuvre réaliste consistait à s'échapper vers le sud pour éviter le débordement prussien. Quatre corps d'armée française, entre Baume les Dames et Quingey étaient, depuis le 23 janvier, mortellement menacés par le mouvement des 7ème et surtout 2ème corps prussiens. Le but pour ce dernier, le plus offensif, lancé sur l'axe Dole, Arbois, Salins, Champagnole, les Planches était d'atteindre la frontière et fermer ainsi l'ultime couloir de fuite. L'armée de l'Est n'aurait alors d'autres possibilités que de passer en Suisse où d'être anéantie. Le 29 janvier les Uhlans étaient aux Planches. Toutes possibilités de retraite coupées, les fantômes "Bourbaki" sous le feu passaient la frontière dans des conditions hallucinantes à la Cluse de Pontarlier ...

menuLe champ de bataille

Il fut clairement établi, après le 17 janvier, que les derniers espoirs de bousculer les prussiens étaient anéantis. Le front se situait alors au nord de Besançon. Les conditions climatiques étaient épouvantables et unissaient un froid glacial à une épaisse couche de neige. Bourbaki après les premiers revers considérant la vanité d'une réaction positive, dans ces conditions, d'une armée faite de bric et de broc, commanda le repli. Une retraite rapide et en bon ordre, permettant un regroupement dans la plaine bressane ou au nord de Lyon, était encore une manoeuvre réaliste à cette date. Cette situation fut aussi clairement analysée par l'état major prussien. Le 23, Manteufel lança les deux corps qui constituaient son aile droite, le 7ème et surtout le 2ème du général Francecki, dans une véritable course à la frontière. L'aile gauche française était constituée du 15ème corps d'armée et du corps Crémer. L'erreur d'estimation commise par celui-ci condamna l'armée française. Le 26, croyant Salins occupé, il stoppa son mouvement vers le sud, à Villeneuve d'Amont. Ce jour là, par Champagnole - Clairvaux, la cavalerie du 15ème corps et le 6ème hussard purent encore s'échapper. Le 28, la retraite sur Lyon était coupée. Seule restait ouverte, mais dans quelles conditions, la route nord-sud Mouthe-St Laurent (actuelle D437) ou sa variante par Chapelle des Bois. Le couloir d'interception ouest-est, emprunté par les Prussiens, est une suite d'impressionnants défilés montagnards : Gorges de la Lemme, puis Gorges de la Saine. Entre les deux se trouve le village des Planches en Montagne ...

menuLa bataille

Ce sont les éléments de cavalerie et des Uhlans du 2ème corps (général Francecki) qui entrèrent à Champagnole, sous les ordres du colonel Wedel. On était le 28 janvier. Le dernier axe essentiel (actuelle R.N. 471) permettant aux quatre corps d'armée, épars entre Besançon, Salins et Pontarlier, une fuite vers le sud, était coupé. De fortes patrouilles furent envoyées sur Nozeroy. A Onglières celles-ci raflèrent un butin conséquent : 56 voitures de vivre, la caisse d'un régiment appartenant au 15ème corps français. Le même jour, les Uhlan prirent Pont du Navoy. Un escadron se porta même à 7 km de Lons. C'est tout le premier plateau et ses itinéraires transversaux qui étaient investis.

Au soir du 29 janvier 1871, l'armée de l'Est ne disposait plus, en direction du sud, que d'une route praticable aux voitures et d'un chemin tout juste piétonnier. Or, Mouthe - Chaux Neuve, les Foncines, Saint Laurent étaient couvertes par un mètre de neige. Il est facile d'imaginer dans quelles conditions progressaient hommes et chevaux. La diverticule qui depuis Chaux Neuve mène à Morbier par Chapelle des Bois, n'était alors qu'une sente.

Ces ultimes chemins deviennent dès le 29, l'objectif de l'armée prussienne. Or 3 régiments de cavalerie, issus du corps Crémer ont reçu pour mission de devancer l'ennemi et de se positionner dans les défilés qui commandaient l'accès au plateau supérieur. Une brigade d'infanterie avait reçu les mêmes ordres. Elle n'arrive péniblement à Foncine le Haut que le soir du 29. Mais Wedel avait été trop rapide. Ce jour là il n'hésita pas à engager sa cavalerie accompagnée par une batterie de montagne, dans les Gorges de la Lemme. Des éléments du 2ème chasseur d'Afrique s'y étaient, malgré la neige, solidement retranchés. On voit encore les vestiges incongrus de ces ouvrages bâtis par des français pour combattre un ennemi arrivant de France ... Les pentes du "vieux Cornu" sont faciles à défendre. Le défilé étroit, encaissé, dangereux, peut être tenu par quelques hommes décidés. La stratégie prussienne négligeait ces îlots de résistance. Systématiquement, l'état major lançait massivement des troupes dans de larges mouvements débordants. Les prussiens se portèrent par Chatelneuf dans le massif boisé qui domine les Gorges de la Lemme. Vers 15 heures, plusieurs centaines d'hommes débouchèrent au dessus du Pont de la Chaux. Les éléments français, qui gardaient le défilé, voyant fondre l'ennemi sur leurs arrières, se débandèrent.

Malgré l'heure tardive, compte tenu de la saison, l'ennemi n'hésitait pas à former deux colonnes avec les 2000 hommes arrivés immédiatement après les éléments de pointe. L'une par le col du Gyps atteignait rapidement Entre deux Monts, l'autre par le goulet qui sépare Montagne Ronde du Rachet, s'approchait des Planches.

 

A l'amont de ce village s'ouvrait le passage de Malvaux. A l'issue de cet ultime obstacle, les Prussiens pouvaient couper la route Mouthe - Saint Laurent et paralyser définitivement l'armée de l'Est.

Les prussiens arrivèrent face aux Planches par Morillon, à droite du village en regardant le sud. En ces instants, des fuyards empruntent encore la rue principale et franchissent la Saine sur un pont dont on devine encore les piles. Cette promiscuité convergente déclenche immédiatement une puissante fusillade. Sur le flanc ouest du village, l'escadron du capitaine Perry s'est retranché. Une cinquantaine de dragons produisent un feu nourri sur une ennemi constamment renforcé et soutenu par l'arrivée de nouvelles unités. Mais le barrage de feu n'arrive plus à contenir l'avance prussienne qui peu à peu se rapproche de la base de Malvaux. Les dragons, presque enveloppés, sautent à cheval et échappent de justesse à l'étreinte. Une poignée d'entre eux, moins prompts, continuent à tirer ...

La nuit est tombée et il fait moins 20. Pourtant les Uhlans continuent leurs marches forcées. A 9 heures ils prennent la Perrena et dans la foulée, atteignent Foncine le Bas.

Le 30 janvier au matin, tout espoir est anéanti pour la pauvre armée de l'Est.


la Billaude

"Bourbaki" est resté longtemps dans la mémoire de nos ancêtres. A la Chaux des Crotenay, "la Germaine", charcutière célèbre pour ses saucisses au choux, était une MICHEL-BOURBAKI.

Lors de la fuite vers la Suisse, seuls les hommes furent autorisés à franchir la frontière, leurs chevaux blancs restèrent en France. C'est pourquoi on donna longtemps aux chevaux blancs le nom de "Bourbaki", en souvenir des montures des dragons de cette armée.

Noter aussi que, sans remonter à Vercingétorix et sa défaite à Alésia, les envahisseurs gagnèrent plusieurs fois leurs "dernières batailles" près de chez nous.

De janvier à mars 1814, les autrichiens poursuivent les armées de Napoléon en déroute depuis la "bataille des Nations" (Leipzig 18.10.1814) et occupent la région. 10000 hommes venant de Nyon passent aux Rousses le 2 janvier 1815 et traversent le Grandvaux. Le père DOUDIER écrit "Dans la vallée des Foncines, on se demandait ce qui allait arriver. Autrichiens au nord, autrichiens au sud. Nul document ne nous renseigne sur cette période douloureuse". Mais ils étaient là.

En février 1815, Napoléon revient, se fait battre à Waterloo, et abdique une seconde fois le 22 juin. Les autrichiens reviennent, toujours par la Suisse. Ils se heurtèrent à une résistance acharnée de nos troupes aux Rousses, le 2 juillet. "C'est la dernière bataille de cette longue et douloureuse histoire" (Pierre Doudier "Villages comtois sous la révolution et sous l'empire"). C'est la panique dans le Grandvaux, le maire de Saint Laurent rencontre le général autrichien à la Savine. La région est occupée pendant plusieurs mois.

Et ne parlons pas de juin 1940 ...


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