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L'Hygiène dans le Doubs et le Jura au 19e siècle


Sources "Le Jura Français" numéros 206 (année 1990) et 225 (année 1995)

A propos des villages, les rapports des médecins, des sous-préfets ou des commissions de salubrité décrivent les habitations comme n'étant que des masures insalubres.

Ainsi, à Cuse (Doubs) en 1790, toutes les maisons "sont enfoncées dans la terre et presque aérées, ce qui formait autant de foyers de putridité qui étendaient leurs rayons sur tous les individus de la même famille".

En 1802, le docteur BARREY, médecin des épidémies, décrit des maisons qu'il a visité d'Uzelle (Doubs) : "les maisons sont presque toujours à moitié enfouies sous terre. L'unique chambre qui sert d'abri à toute la famille ne reçoit la lumière que par une étroite ouverture, percée dans le mur et hermétiquement close. L'air ne se renouvelle que par la porte. Il n'y a pas de plancher; le sol est nu et reçoit tous les immondices; les vasques d'eau stagnante sont entretenues par l'écoulement des eaux pluviales favorisé par la déclivité du sol. Un poêle surchauffé est au milieu et, par économie, plusieurs familles se réunissent autour. Les lits sont bout à bout les uns des autres; on y couche à deux ou trois, malades ou bien portants".

D'immondes refuges

En 1853, dans le Jura, la situation est la même "L'arrondissement de Dole est composé de villages dont les maisons sont construites en pizai et couvertes en paille et sont assises dans une grande partie de l'arrondissement sur un sol insalubre et marécageux". En 1866, toujours dans le Jura, l'état des habitations ne s'était pas amélioré : "Les habitations rurales mal distribuées mal closes, ne sont dans un grand nombre de localités que d'immondes refuges où s'entassent les familles".

Toujours dans le Jura, les officiers de santé s'inquiétaient de "l'usage des poêles en fer coulé auxquels on adapte des marmites pour la préparation des aliments", les considérant comme une "cause de mort pour les malades qui, attaqués de fièvres pétéchiales ou inflammatoires, recouvrent rarement la santé dans les chambres sans issues pour en renouveler l'air et corriger les miasmes délétères qui s'y accumulent chaque jour". "Le poêle (local) plein de relents chauds et malodorants" provoquait la colère du docteur Félix ORDINAIRE, médecin à Jougne, chaque fois qu'il visitait un malade dans une ferme, il perçait de sa canne les vitres de papier huilé qui remplaçaient généralement le verre : "De l'air ! De l'air !"

Toutes les maisons paysannes n'étaient pas dans cet état même si les rapports abondent dans ce sens. La maison "propre" existait certainement, mais elle n'intéressait pas les défenseurs de l'hygiène. L'Annuaire du Jura de 1804-1805 décrit les habitations de la plaine comme étant "éparses, basses, construites en charpente, dont les intervalles sont fermés par des claies, chargées d'argile. L'intérieur est propre, convenablement meublé ...". Quant aux paysans des "deux sexes", ils sont bien vêtus, "mais plongés presque continuellement dans une atmosphère de brouillard épais, entourés de forêts et d'étangs .." cause de toutes sortes de maladies.

Le fumier, signe extérieur de richesse

A lire les rapports des Commissions de Salubrité du département du Jura qui furent rédigés en 1832, puis en 1834, l'hygiène dans les villages n'était le souci ni des habitants, ni des responsables municipaux, à quelques exceptions près.

Les fumiers, ces signes extérieurs de richesse que l'on exhibait devant sa porte avec fierté et qui pouvaient aider à marier la fille ou le garçon avec ... un autre gros tas de fumier, s'alignaient le long des rues.

Dans la commune de Mesnay, des fumiers s'entassent devant presque toutes les maisons; les places sont souvent trop creusées, ce qui occasionne l'affaissement des chemins au joignant de ces places et par conséquent des cloaques infects alimentés par l'eau qui s'épure des fumiers. La commune de Pointre "est un vrai cloaque, soit par les dépôts de paille, soit par les fumiers nombreux qui se trouvent devant le domicile des habitants qui sont presque tous laboureurs ... Il y a également beaucoup de tas de terre sur la voie publique .. L'autorité locale s'est engagée à y remédier". A Authune, " ... des pailles sont placées au milieu des rues pour servir de levées, et après qu'elles sont pourries, on les enlève pour servir d'engrais".

Les fumiers et surtout les étables servaient de lieux d'aisance aux paysans, mais les notables villageois étaient contraints de faire construire des cabanes en bois proches des habitations, et les riverains se plaignaient des odeurs qui en émanaient. Ainsi à Ménotey, les habitants demandent la suppression des "deux lieux d'aisance, dont un appartient à M. Le Notaire CHEVRAULT et l'autre au presbytère, exposés l'un et l'autre à la vue publique, et répandant une odeur infecte ...".

Les odeurs malsaines du rouissage

Bien entendu, les purins sortant des étables ou suintant des fumiers, et les eaux sales "dégouttant les éviers", se répandaient sur la chaussée souvent mal empierrée. A Chevigny, les rues sont en mauvais état, des eaux stagnantes y séjournent dégageant des odeurs insupportables. Comme dans les villes, les chaussées étaient en effet concaves, sans être forcément pavées, et une rigole centrale collectait les écoulements; le badaud marchait donc en "haut du pavé", mais on risquait toujours de se faire éclabousser au passage d'une roue de charrette. Ce ne fut que progressivement qu'on en vint à donner aux rues une forme convexe avec une rigole de chaque côté; l'espace entre rigole et mur allait constituer le trottoir : "Il est urgent pour la santé des habitants, que les rues soient assez chargées de pierres pour que des rigoles établies de chaque côté, favorisent l'écoulement de toutes les eaux".

A Mesnay, "... loin de nettoyer les rues, beaucoup de personnes y étendent de la paille de maïs ou autres végétaux qu'elles recueillent comme engrais lorsqu'elle a été longtemps foulée et qu'elle est réduite en pourriture dans l'humidité et la boue ... Plusieurs habitants ont établi ... des creux où rouir le chanvre, ce qui répand dans la saison du rouissage une odeur insupportable et très malsaine".

L'odeur des porcs était pire, comme à Marpain : "Dans cette petite commune (vignoble) la seule chose insalubre remarquable est un tec-à-porc construit sur un terrain qui paraît avoir appartenu à la commune; il est situé contre le cimetière et très près de la maison commune où l'on vient de bâtir une école primaire; ce tec-à-porc doit exhaler des odeurs malsaines et dangereuses surtout pour les enfants qui fréquentent l'école".

Les mares à l'origine de maladies épidémiques

Quand enfin il pleuvait, ces eaux d'évier, ces purins de bovins, de porcins ou d'humains étaient généralement entraînés dans la partie basse des villages et formaient une mare. En dépit des risques d'épizooties,des paysans y abreuvaient leur bétail; elles étaient également indispensables en cas d'incendie.

Ainsi, à Dammartin, village "...assis sur un site élevé, les habitations isolées les unes des autres donnent un libre cours à tous les vents; son assainissement dépend uniquement du nivellement et de la suppression de quelques mares d'eau, qui se trouvent dans cette commune, notamment d'une assez considérable qui existe près de l'église et au devant de la maison de M. GAMEY; en été, l'isolation doit produire des exhalaisons malignes, parce que cette mare sans courant présente une surface très étendue. Comme cette commune n'a que quelques puits, on pourrait avec peu de dépenses, pratiquer hors du village, sur un terrain communal qui existe, un autre réservoir d'eau, aussi considérable, comme très nécessaire en cas d'incendie", mais "... pendant les chaleurs de l'été, ces mares s'assèchent et répandent près des habitations des odeurs fétides et pestilentielles qui souvent occasionnent des maladies épidémiques; ce que plusieurs médecins ont observé depuis longtemps ...". Il faut préciser que ces boues étaient aussi utilisées comme engrais.

Des cimetières trop petits ou trop près des maisons

Autre sujet de préoccupations, les cimetières. Généralement, les commissions sanitaires les jugeaient trop petits par rapport à l'importance des villages (durant cette période, la population s'accroît considérablement). En 1832, ils occupaient toujours le centre du village, entourant l'église, et toute la population s'accordait à dire que le cimetière ne pouvait aucunement compromettre la santé publique ..

Dans le canton de Montbarrey, la population des villages avait pour habitude de se rassembler tous les dimanches dans les cimetières, "soit avant soit après les offices". Ces lieux ne devaient donc produire "aucune émanation dangereuse .." Et bien, "on a senti plusieurs fois, dans les chaleurs de l'été, une odeur cadavéreuse, qui sortait de ces cimetières. Deux causes : les fosses étaient creusées sur d'autres pas assez anciennes ou bien elles n'étaient pas assez profondes parceque les fossoyeurs estimaient n'être pas assez rémunérés".

A Dampierre, le cimetière autour de l'église est dénoncé comme trop près des maisons : "il serait dangereux si une maladie pestilentielle venait à se développer. Cette maladie serait d'autant plus pernicieuse que les fidèles se rendant constamment à l'église, seraient journellement exposés à recevoir les émanations des corps pestiférés". L'emploi de ce dernier adjectif n'est pas sans rappeler le grand fléau d'antan ..

Quant au village de Salans, il possède un cimetière "aquatique"; il est dans la partie la plus basse du village et "... on ne peut creuser les fosses à cinquante centimètres (18 pouces) sans trouver l'eau. Il faut même peser sur les défunts pour les couvrir de terre".



La lessive à la cendre

menuvoir également : la lessive vue par un poète


La lessive durait trois jours et se faisait deux fois par an, au printemps et à l'automne.

Premier jour : au cuveau "Mouiller"

Il fallait "mouiller", c'est à dire tremper le linge à l'eau froide dans le cuveau. On mettait dans l'ordre les draps, les chemises de femme, les chemises d'homme, les nappes, les taies d'oreiller. Sur le tas de linge ou sur le fond du cuveau on disposait le drapier, large drap qui contenait les cendres des feux de la maison.

Deuxième jour : "Couler"

L'eau était chauffée dans une marmite accrochée à la crémaillère dans la cheminée ou sur le fourneau. On coulait cette eau chaude sur les cendres. On recueillait l'eau de lessive au bas du cuveau dans une seille. Réchauffée, cette eau était reversée sur le linge 3 ou 4 fois de suite. L'opération durait une demie journée.

Troisième jour : "Laver"

Le linge déposé en vrac sur le banc à lessive était amené au lavoir pour le frotter et le battre. On passait le linge fin et les chemises au "bleu" (boule d'indigo) afin de les rendre plus blancs. Le linge était étendu sur les haies ou sur les étendoirs. Sec, il fallait le dépendre et le plier. On ne le repassait pas souvent.


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