Autres coutumes |
Béatrice Roydor a trouvé
sur le net, la copie d’un livre de 1823 "Mémoires et dissertations
sur les antiquités nationales et étrangères"
dont une grande partie se rapporte au Haut-Jura et à la Bresse.
L’auteur en est Désiré MONNIER (1788-1867), érudit
autodidacte, connu pour ses nombreux écrits sur l’histoire de la
Séquanie et du Jura. Voici quelques extraits de ce livre:
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voir également : l'origine des Soufflaculs de Saint-Claude "Lorsqu’un enfant vient au monde, on le lave avec du vin et on lui fait avaler un oeuf frais". (Il ne précise pas s’il s’agit des séquanes ou des Comtois , mais le contexte permet de penser qu'il s'agit de ces derniers). Il n’est pas étonnant que, reçu de cette façon, ce nouveau-né, devenu paysan, ait un caractère fortement dessiné qui le pousse à une haine féroce tant aux romains qu’aux français de Louis XIV et qui lui permet de résister aux frimas qui alors gelaient les rivières plusieurs mois de l’année.
Il est vrai que la mère, dès son mariage, a fait un pèlerinage où elle a invoqué l’intercession de N.D.de Miège pour obtenir de la progéniture, ou qu’elle s’est adressé à Saint Claude pour avoir un garçon, ou à Notre Dame d’Onoz pour avoir une fille. L’auteur ne parle pas de Saint Alexandre que les filles des Foncines allaient prier à Chatelblanc pour trouver l’âme soeur. En tous cas la taille des séquanais et donc de leurs descendants (les jurassiens), est des plus avantageuses et leur corps bien proportionné dans toutes ses parties, ils cherchent à se donner un air redoutable de guerrier bien qu’ils aient la peau fraîche, les yeux bleus et les cheveux blonds. Nous voyons encore des femmes dont la stature rappelle le souvenir de ces gauloises qui suivent à l’armée leurs époux, et qui dans les rangs ressemblent à des machines de guerre. Les hommes portent la biaude Bleue, et les vieillards des culottes à braguettes qui s’ouvrent à l’entre cuisse et se ferment par une double boutonnière et un double bouton en forme de petite bobine. Ce nom de Braie et de braguette est un reste de la haute antiquité. César, comme chacun sait, divise la Gaule en trois régions principales parmi lesquelles est la Gaule à Braie (Galla braccata) dont la Séquanie fait partie.. Les sabots sont communs à tous les hommes. Les jours de fêtes on sort avec des souliers à grandes boucles carrées. Les femmes se coiffent de chapeaux de feutre noir, pourvus de rubans et de dentelles et posé sur un caffion, bonnet qui enveloppe les cheveux et laisse à découvert la partie antérieure de la tête et se termine derrière en cul de poulet. Ne parlons pas des tabliers à bavette, robes, fichus, colliers, etc ...
Les vieilles femmes de la haute montagne (Nozeroy, Saint-Laurent, Les Rousses) portent une toque d’un genre singulier qui ressemble à une calotte de velours noir entourée d’une touffe de franges de soie de même couleur. Sur la partie du toquet qui domine la nuque est implantée une grande épingle de cuivre argenté qui se termine à chaque extrémité par un globe de même métal. On connaît dans la partie montagneuse une espèce de souliers appelés galoches à l’usage des femmes et dont l’origine est incontestablement gauloise ainsi que l’atteste leur nom, rendu en latin par gallica et en celtique par galocha. L’oeuf frais avalé, la sage-femme coupe le cordon ombilical. Elle se garde bien de le jeter ailleurs qu’au feu, car on en tirerait des pronostics plus ou moins fâcheux. Par exemple l’individu périrait par l’eau si l’ombilic était abandonné dans la rivière, ou par la morsure d’une bête si quelque animal venait à s’en emparer. Il paraît que l’on n’a pas peur que la nouvelle créature meure dans un incendie. Puis c’est le baptême. On a choisi le parrain parmi les personnes les plus considérées et les plus riches. Il fait cadeau à l’accouchée d’un pain de sucre ou d’une miche de pain blanc. Il se munit d’une ample provision de dragées ou de petites monnaies pour les jeter, à l’issue de la cérémonie, aux polissons qui suivent le cortège. De retour à la maison on attache les bouquets aux rideaux du lit de l’accouchée. Le parrain distribue les nailles que les anciens appelaient natalaia. Lorsque la santé de l’accouchée lui permet de se rendre à l’église, elle va s’y faire rebénir et se purifier. Ce sont les relevailles. Et un jour ce sera le mariage.
Dès qu’il y a projet un parent ou ami est chargé de négocier cette affaire. Il ne manque pas de faire un pompeux étalage des qualités et de la fortune de son protégé, ni d’entendre le plus bel éloge des vertus et des agréments de la jeune personne. Ce jour là on ne décide rien; mais à la manière dont l’entremetteur a été accueilli à table, il peut déjà préjuger de l’issue de sa mission. Des visites mutuelles vont suivre, dans un but intéressé : les parents de la fille vont voir les êtres, c’est à dire vérifier si les rapports qu’on leur a faits sur l’aisance du postulant sont exacts. Ceux du garçon font la même démarche dans le dessin d’observer le caractère de la prétendue. Par exemple, pour éprouver si elle sera soigneuse et propre, on posera à terre le balai en travers de la porte : elle devra, en entrant, le ramasser et le ranger. Si elle veut en outre donner l’idée de son humilité à ses examinateurs, elle balaiera la chambre en leur présence. Ce test se faisait souvent au retour de l’église après la cérémonie du mariage. C'est ce qui se passait encore en 1920 à Entre deux monts, avec parfois des conséquences imprévues. Encore des cadeaux, encore des repas. On donne les fiançailles. Puis la veille du mariage on passe le contrat, et on reçoit les jeunes du pays qui chantent et dansent; et on présente la robe de la mariée. En même temps on offre à la fiancée un morceau de mauvais pain noir pour marquer qu’elle ne doit pas s’attendre à vivre dans un contentement parfait; Elle en mange, puis on lui fait accepter du gâteau et du vin pour lui faire entendre que tout ne sera pas peine dans son ménage. Le mariage peut enfin être célébré. L’heure étant venue de quitter le toit paternel; une scène du genre larmoyant succède tout à coup aux éclats de la joie ... Les parents commencent à pousser de gros soupirs ... On a peine à détacher la jeune victime du sein de sa bonne mère car elle ne veut point paraître s’être ennuyée de son état de fille.. Le cortège se dirige en pompe vers l’église. Le père marche en tête avec sa fille et le prétendu un peu en arrière avec les vieilles gens. Le garçon-franc et la fille-franche brillent au premier rang. Le prêtre, avant de mettre sur ce couple la chappe (qui est un simulacre du véritable joug que l’on imposait aux époux), bénit les anneaux et procède aux formalités. Quand tout est fini, le père du nouvel époux ramène l’épouse. Coups de fusils, de pistolets, cris puis si la nouvelle épouse s’était fait aimer dans le village, la jeunesse du lieu jetait des pièces de bois en travers du chemin pour lui prouver par-là les regrets qu’ils ressentaient de la perdre. La mère du marié se tient à la maison, la porte fermée et quand le couple s’y présente, on lui jette par la croisée plusieurs poignées de graine, blé, pois, fève, avoine, glands, etc ... symbole de la prospérité. Au bout de quelques minutes la porte s’ouvre, la mère s’avance, et sur le seuil, présente à sa bru un verre de vin et un morceau de pain qu’elle doit partager avec son consort pour signifier que, biens, jouissances, tout entre eux va désormais devenir commun. Durant toute la journée, celui de la noce qui voit le moins la jeune mariée, celui qui s’ennuie le plus, c’est l’époux. Il sert tout le monde à table, sans y prendre place. Quant à la chère compagne, elle ne doit absolument rien faire; ses amis l’habillent, la déshabillent; pour la seconde, et peut-être la dernière fois, elle figure à table comme le personnage le plus intéressant. Ce jour là serait le plus beau de sa vie, s’il n’en était le plus ennuyeux et le plus long. |