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Le transport du bois


Les sapins du Mont-Noir sont exploités depuis que la région est habitée. Ils ont été utilisés d’abord par les particuliers, puis par les scieries, mais bien vite les plus beaux ont été réservés pour la Marine, civile ou plus souvent militaire. Il fallait donc les transporter et bien loin. L‘almanach Comtois de 2008 publie à ce sujet un article très intéressant:


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A partir du règne personnel de Louis XIV, la marine de guerre française, basée notamment à Toulon, connaît un fort développement. Jusqu’aux années 1850, la construction des navires nécessite un important volume de bois, issu pour une part conséquente des forêts comtoises et transporté par route puis par flottaison jusqu’à l’arsenal. Au XIXe siècle, des contremaîtres de marine en résidence à Auxonne puis à Saint-Jean-de-Losne, sélectionnent le bois sur pied dans les forêts comtoises.

Le dur labeur des voituriers

 

Les grumes sont rangées sur les bas-côtés des routes avant d’être chargées à l’aide de crics, sur les voitures où elles sont solidement fixées par de grosses chaînes. Les attelages mesurent souvent 25 à 30 mètres et peuvent parfois atteindre 45 mètres. Ils sont tirés par des boeufs qui ont été dressés à cette tâche durant une année au moins.
Les bois sont acheminés depuis le Haut-Jura jusqu’à Salins par les voituriers du haut puis les voituriers du Val d’Amour les conduisent jusqu’à la Loue. Le voiturage des bois est source de multiples difficultés. Les descentes peuvent être dangereuses et les tournants délicats à négocier en raison de l’importante longueur de la grume (1). Il a fallu parfois démolir des maisons pour permettre le passage des voitures.


Malgré son dur labeur, le voiturier est un homme gai, quelquefois trop gai. Les volumineuses voitures traversent les villes au milieu de la liesse des habitants. Pour cette occasion, le voiturier s’habille proprement, bombe le torse, fier de son travail dont il oublie pour un temps les difficultés. A Salins les voituriers envahissent les estaminets. Leur repas est joyeux, animé, et le vin coule souvent abondamment. Au point que dans l’après-midi, les hommes résistent difficilement à la douce torpeur causée par le lent déplacement des attelages. Aussi les boeufs se dirigent-ils souvent seuls. Un voiturier est ainsi condamné par la justice en 1860 " pour avoir été trouvé hors d’état de guider sa voiture" et l’année suivante un autre est sanctionné "pour avoir été trouvé monté et endormi sur sa voiture".

Des accidents

De multiples dangers menacent le voiturier. Les journaux relatent de fréquents accidents. "En 1839 un homme se débattait au fond d’un torrent que les pluies des jours précédents avaient formé dans les champs. Plusieurs personnes accourues à ses cris le trouvèrent retenu par un pied dans l’arrière-train de sa voiture, l’avant-train avait été emporté par les boeufs. Cet homme s’était endormi, et les boeufs ayant quitté le milieu de la route, il s’éveilla dans le gouffre. Malgré les soins prodigués, on n’a pu lui conserver la vie".

Les radeaux

A leur arrivée au port, les grumes sont assemblées pour former des planches de radeaux de 25 à 30 mètres de longueur sur 5 à 6 mètres de largeur. Sur ce plancher, les radeliers empilent une cinquantaine de mètres cubes de bois. Sur l’Ain, la Bienne et la Loue, rivières impétueuses, les charges sont réduites afin d’alléger les radeaux qui doivent affronter des rapides. Mais à partir de Verdun-sur-le-Doubs naviguent des convois de cent mètres de longueur menés par une quinzaine d’hommes. (voir également la page sur les radeliers).

Le flottage sur la Loue et le Doubs

Les bois issus des massifs forestiers sont acheminés par voitures jusqu’au port de Cramans, là où la Loue au régime torrentiel devient réellement flottable, utilisable par les radeaux. En 1844, 2500 mètres cubes de bois d’usage courant, 10 000 mètres cubes de sapins dits de grands bois et 250 mètres cubes de chêne ont flotté sur la Loue.
Le port au bois de Parcey, à la confluence de la Loue et du Doubs, est crée officiellement en 1812. Lieu de transit des bois nécessaires à la Marine française, son activité demeure intense pendant tout le XIX ème siècle et ne cesse qu’après 1900. Les radeaux mettent deux jours pour parvenir à Verdun sur le Doubs.

Si les bois flottés sont principalement destinés aux constructions navales de la côte méditerranéenne, certains provenant du port aux bois de L’Isle-sur-le-Doubs sont acheminés par le Doubs, le canal du Rhône au Rhin puis la Saône jusqu’à Saint-Jean-de-Losne. Des mariniers bourguignons, en compagnie de radeaux venant du Morvan par l’Yonne, puis la Seine jusqu’à Charenton. Mais à partir de 1880, le chemin de fer supplante la voie d’eau avec création de la ligne reliant Morteau à Besançon. Et en 1885, l’activité de flottage depuis Besançon cesse sur le Doubs comme sur le canal du Rhône au Rhin, vaincu par le transport ferroviaire.

Le Flottage sur l’Ain et la Bienne

Dans la vallée de l’Ain, les bois sont glissés le long des pentes jusqu’à la rivière puis flottés jusqu’aux ports aux bois où ils sont assemblés en radeaux. Plusieurs radeaux réunis en train de bois, sont conduits par un patron et deux ou trois mariniers. La durée du trajet dure généralement trois jours. Mais dans de bonnes conditions, le trajet peut s’effectuer en une vingtaine d’heures depuis le pont de la Saisse, à Pont de Poitte, jusqu’à Lyon soit une distance de 160 kilomètres.
Les longues grumes de sapins débardées dans les forêts haut-jurassiennes du Massacre et des Bouchoux sont acheminées par les voituriers jusqu’aux ports aux bois de Molinges et de Jeurre. Sur les radeaux confectionnés dans une anse peu profonde les radeliers entassent planches, madriers, bois d’oeuvre ainsi que d’autres productions locales, vers Lyon et le sud de la France. Du marbre brut de Molinges, les fromages de Rognat, des ballots de mousse pour le calfatage des navires, des pièces de bois tournées ou encore des balles, ces grands paniers tant appréciés des soyeux lyonnais.

Francis Perrot

1) La devanture de la boulangerie Jacquet de Foncine le bas a été victime plusieurs fois de voitures de sapins venant du Lac des Rouges truites et se dirigeant vers Foncine le haut. Un tournant mal guidé, ou un sapin plus long que les autres envoyait les queues dans les vitres qui ne résistaient pas.


André Besson dans son livre "Mon pays comtois" consacre deux pages aux radeliers du Val d’Amour :

"Amenés sur des chars traînés par des boeufs, les troncs étaient rassemblés le long des berges de la Loue à Port-lesney. Les "radeleurs", nom par lequel on désignait ceux qui allaient avoir la redoutable tâche de les faire descendre jusque vers la mer, construisaient d’abord un plancher fait de grumes fixées à des perches par des liens de chêne.

Sur ce radeau de trois mètres de large, qui atteignait trente mètres de long, on arrimait environ cinquante mètres cubes de bois et de produits divers, des céréales, des peaux, des tonneaux de vin et même de sel. Lorsque le débit de la rivière le permettait, ce train flottant était mis à l’eau. Il fallait une dizaine d’hommes munis de grandes perches pour le conduire à destination, c’est à dire jusqu’à Beaucaire.
Après la Loue, les "radeliers" du Val d’Amour guidaient leur radeau sur le Doubs puis sur la Saône, enfin sur le Rhône. Le flottage était extrêmement périlleux, il occasionnait chaque année des accidents mortels. Pour franchir un barrage, ou lors des crues, les nautoniers devaient se précipiter à l’arrière et en un instant, reformer une grappe humaine à l’avant au moment où l’arrière du radeau plongeait à son tour.

Comme ce genre de voyage se pratiquait durant l’automne et l’hiver, à l’époque du plus haut débit, on devine quelles intempéries les courageux "radeliers" devaient affronter. A leur arrivée à l’embouchure du Rhône, après avoir négocié la vente des marchandises transportées, ils reprenaient sans tarder la route du Jura, et à pied cette fois, regagnaient leurs villages afin d’y préparer un autre radeau pour un nouveau voyage."


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