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Nobles voyageurs


Les chemins perdus d'aujourd'hui étaient autrefois des axes principaux, fréquentés par une population cosmopolite qui allait des têtes couronnées aux pélerins, en passant par les armées de conquérants. Jean-Baptiste Munier cite dans son livre ("Recherches historiques sur les Foncines") quelques voyageurs illustres qui ont foulé ces chemins, aux portes de Foncine. En voici 4 extraits :

chapitres
Le trésor des Châlons
la fille de l'impératrice
la mala via
Louis XI à Saint-Claude
la "vie" des Bernois
et également, en 1793 : Jacques Antoine Dulaure fuit Paris en passant par Morillon

extrait de "Recherches historiques sur les Foncines" de Jean-Baptiste Munier


menuLe trésor des Châlons

Château-Chalon

Le vendredi 2 décembre 1463, le passage d'un prince mit tout le village de Foncine en émoi. Louis de Châlons-Arlay IIIè, sentant sa fin approcher, manifesta le désir de voir son trésor transporté au-delà des monts, afin d'en assurer la possession au plus jeune de ses fils, Hugues de Châlons, seigneur d'Orbe. Pierre de Jougne, l'un de ses écuyers, se chargea de conduire par le chemin des montagnes du Jura et le trésor et le jeune Hugues. Le vendredi 2 décembre, on amena près du pont du château de Nozeroy, un fort mulet sellé des écuries du prince, et de chaque côté de l'arçon furent suspendus par des crochets, deux coffres ferrés et très lourds, puis l'échanson posa en travers une malle ferrée, bien remplie et fortement attachée. Le convoi se mit en marche sans bruit après diner. Pierre de Jougne montait un grand cheval grison, et Hugues, qu'on appelait M. d'Orbes, un petit cheval, en menant en main un autre coursier de couleur brune. Quelques valets le rejoignirent, ils marchaient vers le jura. Les lieux qu'ils traversaient étaient assez solitaires. Ceux qu'ils rencontraient dans les chemins, ou ne les reconnaissaient pas, ou bien ils disaient : "C'est M. d'Orbe qui va en pélerinage pour Mgr d'Orange vers Mgr Saint-Claude et aux Notre Dames du pays !"

C'était en décembre. Les jours étaient courts et le soleil penchait déjà vers l'horizon, quand la petite troupe, dont le mulet marchait fort lentement à cause du fardeau, parvint au village de Foncine. L'hôtelier du lieu aperçut de loin les voyageurs, ses yeux se portèrent d'abord sur le jeune enfant vêtu d'une robe noire avec un petit manteau, qu'il crut âgé de quinze ou seize ans, quoiqu'il n'en eût que treize, puis ils s'arrêtèrent sur Pierre de Jougne, habillé d'une robe fort courte de drap frisé et qui descendait de cheval. "Ne voulez-vous pas loger Monsieur le prince ?" dit celui-ci à l'hôtelier, qui s'inclina en répondant qu'il n'avait d'autre vaisselle que des plats et des écuelles d'étain avec un seul lit.

"Monseigneur, il nous faut loger céans", continua Pierre de Jougne, "dussions-nous coucher au long du foyer". Ils descendirent de cheval. Ils disaient arriver d'Orange et avoir laissé dix à douze chevaux à Lons le Saunier. Les coffres furent détachés et portés avec soin dans la chambre du jeune prince. Ils faisaient joyeuse chère, soupèrent et couchèrent ensemble, car ils n'avaient qu'un lit, ainsi que l'hôtelier l'avait annoncé. Ils dormirent comme des voyageurs fatigués et, sans dire où ils allaient, ne repartirent qu'à dix heures du matin pour se rendre à l'abbaye du Grandvaux. A l'heure où Hugues et Pierre de Jougne repartaient gaiement de Foncine, le prince d'Orange expirait au château de Nozeroy.

Le trésor replacé sur le mulet, ils suivirent le pied du Jura et se dirigèrent vers l'abbaye du Grandvaux. Les religieux les accueillirent avec beaucoup de cordialité. Ils remarquèrent que les coffres cachés avec mystère sous la paille et une longue toile cirée, derrière l'huis de l'étable, étaient toujours gardés par deux compagnons; Pierre de Jougne ne quittait pas Monseigneur Huguenin. Ils attendaient des gens qui devaient arriver de Clairvaux, comme il ne venaient pas : "Il faut écrire" dit Pierre de Jougne, et ils écrivirent une partie du soir. Le jeune seigneur d'Orbe se leva tard, entendit la messe, puis repartit. Le palefroi, brisé sous la charge, n'en pouvait plus. Ils en prirent un autre, passèrent à Saint-Claude et gravirent les monts.

Le riche trésor de Châlons renfermait, selon le bruit public, un boisseau de pierreries et une somme de valeur de deux millions d'or.

Aussi plusieurs fois avait-il tenté la cupidité de nombre de personnes. Vers 1449? Jean Quintet de Nozeroy, se parforça, avec M. de Vicoux, de crocheter les murs de la tour de Plomb. Quintet fut pendu aux fourches de Bletterans. "Ah! les mauvais garnements", disait le prince," ils m'ont cuidé dérober". Dès lors le prince fit porter le trésor en la tour carrée, près de la chapelle; c'était trois coffres ferrés; il fallut pour chacun cinq ou six hommes, ces épais bahuts de chênes étaient toujours fermés avec la même exactitude; sa gibecière d'or renfermant les clefs étaient sur le lit, la clef du trésor sous son chevet, lorsque le bruit courut dans le château que Guillaume de Châlons allait venir la nuit avec une troupe armée, enlever le trésor de son père. Pour le défendre, Aymonet Fallin, châtelain de Jougne, leva vingt compagnons armés dans les terres de Jougne et de Rochejean, les amena un mois dans la tour, mais Guillaume ne vint point en ravisseur.


menuMala Via

En 1441 et 1442, la peste avait régné dans toute la comté. En 1442, le prince avait ordonné à tous ses sujets de chasser sous peine d'encourir sa colère; aussi toutes les forêts de nos montagnes avaient été mise à contribution à l'occasion du mariage de Guillaume de Châlons avec Mademoiselle de Bretagne; aussi biches et cerfs, perdrix et faisans arrivaient de toutes parts au château de Nozeroy. Rien ne nous indique si les chasseurs de notre canton furent heureux.

Les fêtes de ce mariage se terminèrent par un voyage du duc et de la duchesse à Saint Oyan de Joux, en passant probablement par l'ancienne route qui traversait notre canton, par Bief-des-Maisons, les Chalêmes, les Planches, le Châtelet et Morillon. A l'égard de ce chemin, voici ce que dit Rousset : "Le chemin Gaulois ou Gallo Romain, tracé dans nos hautes montagnes et qui communiquait de Saint-Claude à Salins par les Planches, Villa des Pontibus, La Perrena, traversait aussi les Chalêmes; au bord de cette route on trouve un canton appelé "les Chazeaux". Cette dénomination indique évidemment des habitations détruites depuis plusieurs siècles". Plus loin le même auteur dit encore : "Nous croyons qu'une voie qui pourrait bien remonter à l'époque celtique, longeait le pied du Jura et relia plus tard Saint-Claude à Salins par le val de Grandvaux et celui de Sirod passant par Bief-des-Maisons".

la D127 en novembre 2002

Pour nous, nous croyons que ce chemin, soit qu'il partit de Nozeroy, soit qu'il partit du val de Sirod, venait passer au-dessus de la source de l'Ain, à la borne placée en 1484 pour séparer les seigneuries de Château-Vilain et Nozeroy. Ce n'est pas sans raison que ces deux seigneurs avaient fait placer une borne à la Doy-Dain. Chacun sait que que la source de l'Ain a donné son nom au canton de Scoding, mot formé de sco, co et de in, et signifiant tout simplement la contrée de lain. Le chemin de la source de l'Ain venait à Bief-des-Maisons, où on trouve un champ qui porte le nom de Champ-Salins et un autre en Beauregard. A Châlesme, un lieu au bord de la route porte le nom de Châtelet; nous trouvons encore aux Planches, sur la même route, le Châtelet. Or, M. Clerc nous dit qu'à l'époque romaine on avait placé des châtelets au bord des routes pour les protéger.

Les deux châtelets, au bord de la même route, à quelques kilomètres l'un de l'autre , confirment donc parfaitement l'opinion de Rousset et la nôtre. Mais ce n'est pas tout; d'autres preuves aussi convaincaintes viennent s'ajouter. Rousset pense que que lieu dit sur les Murgers, à la Perrena, indique un autre fortin sur la même route. Nous trouvons à la Perrena le château Sarrazin, et d'après l'opinion déjà citée de M. le président Clerc, tous les lieux à dénominations sarrazines sont dans le voisinage des voies romaines. La route contourne la roche du Cuard et vient tourner aux Planches, à la fosse à Tibéré, les routes anciennes portent le nom de fosses, fosses à Mercier, de là elle va à Malvaux, mala via, et va rejoindre à Foncine-le-Bas la vieille vie du Grandvaux, déjà mentionnée dans un titre du XIIIè siècle, vient passer sur le pont de Lemme pour se rendre à l'Abbaye du Grandvaux, il est certain que c'est la route que suivirent Pierre de Jougne avec Huguenin de Châlons en se rendant de Nozeroy à Saint-Claude, puisqu'ils couchèrent à Foncine et de Foncine à l'Abbaye du Grandvaux, ils n'ont pas suivi la vie neuve qui va Outre-Joux, c'est ainsi que se nommait le chemin de la côte de Châlesmes à Entre-Côtes dans les titres de 1307 et 1474, ils ont suivi l'ancienne voie celtique ou romaine, parce que c'était le chemin suivi depuis les temps les plus reculés, que c'était le parcours habituel des princes de Châlons allant de Nozeroy à Saint-Claude et de Saint-Claude à Nozeroy, qu'ainsi ce chemin a dû être suivi en 1442 par le duc Philippe le Bon et la duchesse se rendant de Nozeroy à l'Abbaye Saint-Oyan de Joux, par Louis XI, en 1456, se rendant de Saint-Claude à Nozeroy, en 461, par le comte de Charolais se rendant de Nozeroy à Saint-Claude, c'était aussi dans ces derniers temps le chemin que suivaient pour se rendre de Saint-Claude à Nozeroy, Mgr Mabile, évêque de Versailles, Mgr Fillon, évêque du Mans, Mgr Nogret, évêque de Saint-Claude.


menu La fille de l'impératrice

Philipe le Beau, en 1503, arriva en Franche Comté pour en prendre possession vers la fin de juin; il s'arrêta d'abord à la Chaux des Crotenay, au château de Charles de Poupet, son premier sommelier; ensuite il séjourna quelque temps au château de Vers, où Philiberte de Luxembourg le traita d'une manière royale. Charles de Poupet avait déjà reçu dans son château de la Chaux des Crotenay, Maximilien, roi des Romains, père de Philippe.

Notre modeste canton a donc eu la visite de deux puissants monarques. Si la faveur dont jouissait la famille de Poupet était si grande, elle était due, dit Saint-Julien de Baleure, à ce qu'une princesse de cette famille revenant de Genève, avait été saisie des douleurs de l'enfantement à peu de distance du château de la Chaux des Crotenay, où elle avait fait ses couches; on croit que c'est la mère de Maximilien. Voici le texte de Saint-Julien de Baleure :

"Comme il ne faut qu'un homme pour faire grande une maison, et au contraire qu'un pour la ruiner; ainsi en est-il advenu à la maison de Véré. Un sieur de la Chaux, du nom de Poupet, en la comté de Bourgogne, eust cest leur qu'une duchesse de Bourgogne (aucuns disent une impératrice, femme de Frédéric III), feit ses couches en sa maison de la Chaulx. Le bon traitement que la princesse reçut céans fut cause que led. S. de la Chaulx fut retenu et mis en honorable estat chez icelle princesse. Il s'y porta si vertueusement et acquit tant d'honneur et crédit que, depuis, luy et successivement un sien fils, furent en grands estats chez l'empereur Maximilien Ier du nom. Et la dame de la Chaulx fut dame d'honneur de Madame Marie de Bourgogne, femme dudit empereur. Ce sieur de la Chaulx, après avoir acquis moyens de profiter à ses voisins, tira Jean de Véré, depuis dit la Mouche, de sa maison et le mena en cour.

Or estoit ce la Mouche bien né, d'un esprit gaillard et qui avoit la parole fort à commandement. Son père (personnage fin et accort, et en cette qualité surnommé la Mouche) avait été nourri es-ordonnance du duc Charles de Bourgogne et dit messire Olivier de la Marche que luy, la Mouche de Véré, messire Anthoine d'Oiselet, Jean de Montfort et aultres furent prins à la journée de Nancy, en laquelle le duc Charles de Bourgogne fut tué.

Depuis, la Mouche de Véré fils, sceut si bien conduire ses faveurs en cour que, sous l'archiduc Philippe, roi d'Espagne, et à l'advénement de Charles V, empereur, il feit merveilleux profits. Ce fut un grand riche homme et engraissa fort de sa succession la maison de Courlaoux, où sa nièce estait mariée"

En 1502, l'archiduc Philippe parcourut la Franche-Comté, revenant d'Espagne, où son épouse et lui avaient été reconnus héritiers du royaume de Castille. Le prince, aimable et chéri de ses sujets, fut reçu au château de la Chaux des Crotenay par Charles de Poupet, son chambellan et son premier sommelier.


menuLa vie des Bernois

Au mois de septembre 1534, les protestants du canton de Berne, poussés par le zèle ardent de la réforme, s'avancent par les défilés de Jougne et le château de Joux, passent par les Foncine, où l'on pense qu'ils y incendièrent le hameau de Joux, qui s'est rebâti sous le nom de Ville-Neuve, Villa Nova, et poussent jusqu'à Four du Plâne. Ils méditaient la conquête de Saint-Claude, belle proie à saisir, puisqu'il y avait un monastère à piller et des reliques de saints à jeter au vent. A leur approche, dont le bruit vole de bouche en bouche, une partie des habitants de Saint-Claude se retire dans les solitudes voisines; d'autres plus courageux se réunissent autour de Claude Blanchot, leur capitaine improvisé et forment avec les habitants de Moirans, des Villars et de la Rixouse, un corps de 400 hommes disposés à marcher contre 500 luthériens et calvinistes. A la nouvelle de ce rassemblement, ceux-ci sont saisis d'épouvante et prennent la fuite. Les catholiques, les voyant battre en retraite, l'arme au bras, se mettent à les poursuivre et engagent un combat sanglant. L'ardeur est telle de part et d'autre que vainqueurs et vaincus perdent beaucoup de monde. Les Bernois ne suivirent pas en fuyant le chemin qu'ils avaient parcouru en venant; au lieu de rapsser par Four du Plâne, les Foncine et Jougne, ils cherchèrent à la faveur des ombres, à gagner le pays de Gex. Ceux des Bernois qui échappèrent au massacre, s'en retournèrent chez eux couverts de blessures, tombant de fatigue, pour porter la nouvelle de la malheureuse issue de leur excursion.


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