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Grindelwald autrefois

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Nos jambes ne nous permettaient pas de nous rendre à Grindervald par les montagnes. Mais nous entendîmes parler par nos compagnons de voyage de ces points ravissants.

La vallée de Grindervald située dans le baillage d'Interlack, est entourée de montagnes couvertes de neige qui s’élèvent jusqu’aux nues. Elle nous offrit un amphithéâtre et un village assez considérable, peu éloigné du glacier inférieur où je me rendis en traversant une prairie charmante. A ses pieds seulement la nature semble morte. On marche sur des monceaux de rochers pelés. Les glaciers sont formés par des amas de neige, dont les rayons du soleil ne fondent que la superficie. Leur profondeur doit être bien considérable. Ils sont cependant moins considérables que ceux de Chamouni qui ont cinq lieues de longueur sur une largeur inégale qui s'étend quelque fois à une lieue. L'endroit où se termine le glacier inférieur de Grindervald est ouvert et présente une espèce d'arche d'où sort la Lutschinen qui coule sous des amas de glace.


L’aubergiste qui nous donna, de tous, le dîner le plus cher et le plus mauvais, fut le héros d’une aventure bien extraordinaire. Il chassait le chamois dans la partie la plus élevée du glacier, quand une crevasse qui s’ouvrit sous ses pieds, l’engloutit. Dans sa chute il se cassa l’avant-bras. Le froid et les douleurs qu’il devait ressentir ne lui firent perdre ni la tête ni le désir de vivre. Il se traîna à quatre pattes sur le lit de pointes de rochers où passe la rivière; il suivit dans l’obscurité ses contours et fut vomi par elle à l’endroit de la grotte où elle commence à couler en dehors. Les crevasses sont très communes dans la partie haute des glaciers, où elles se présentent en tous sens sur une surface plate mais qui n'est pas lisse comme celle des rivières gelées, de sorte que l'on peut y marcher sans crainte de glisser quand la pente n'est pas rapide. Les glaces que forment la neige ne sont point transparentes comme celles produites par des congélations d'eau. La partie basse des glaciers est hérissée de pointes de glace assez hautes pour être nommées pyramides. On assure que ces mers s'étendent annuellement. On montre pour le prouver un endroit enseveli sous les glaces, où l'on avait élevé autrefois une chapelle à sainte Pétronille. La cloche que l'on conserve dans l'église du village est dit-on, une autorité irréfutable.

la Jungfrau

Deux jeunes filles qui nous avaient suivis cueillaient à trente pas du glacier, des fraises qu’elles nous offraient. Le bois, le blé, le chanvre et les gros légumes qui croissent dans les environs n’ont pas l’air de souffrir du froid.
Le glacier supérieur est situé à une lieue de Grindervald. On y aborde par un chemin montueux, difficile, étroit, impraticable en voiture et fort dangereux à cheval. C’est de cette manière que je m’y rendis, mes jambes ne me permettant pas de faire la route à pied et la crainte du danger ne l’emportant jamais sur une juste curiosité.

N’ayant pas le choix, il fallut se résoudre à monter un de ces lourds chevaux qui traînaient notre char. Quoi qu’un guide le tint par la bride à de certaines descentes, elles étaient si rapides que, pour ne pas sauter par dessus la tête de l’animal, j’étais obligée d’appuyer fortement ma canne contre les morceaux de rochers qui bordent le passage et qui souvent le rendent si étroit qu’il faut lever les jambes pour n’être pas blessé, ce que j’oubliai un moment; une douleur vive m’en fit bientôt ressouvenir. Elle était occasionnée par une froissure au pied qui me fit boiter plusieurs jours.

La mer de glace qui forme le glacier supérieur, quoique sans mouvement, donne l’idée d’un torrent qui se dégorge dans la vallée, et cette idée s’accroît quand le hasard vous rend témoin d’une avalanche, accident assez commun dans les jours chauds.
A sept heures, assez imprudemment nous remontâmes dans nos chars, malgré les représentations intéressées de l’aubergiste et des conducteurs; nous marchâmes près de deux heures dans la plus profonde obscurité. A en croire nos guides, ce n'était pas le seul danger; ils nous assuraient que des étrangers qui comme nous voyageaient de nuit, avaient été volés, assassinés et jetés dans la rivière qui borde un des côtés du chemin.

Enfin la lune parut et nous n’aurions rien eu à désirer si un cheval boiteux ne nous eu pas forcés d’aller au pas. Malgré la chaleur du jour et les éclairs que l’on voyait constamment, l’air était très froid et si chargé d’électricité que nous souffrions beaucoup des yeux. Aucun nuage ne paraissait, la lune était dans son plein, elle éclairait le précipice et les montagnes; on n'y voyait point assez pour distinguer de loin les objets et les aspects trompeurs qu'elle nous présentait, soit en exaltant l'imagination, soit en invitant à la rêverie, rendirent cette route une des plus agréable du voyage. Minuit sonnait comme nous entrions à Unterseen.

Le lendemain nous repriment le lac. Il commençait à s'agiter, la surface était couverte de vagues. C'était, nous dirent les matelots, signe d'orage; ils furent obligés de louvoyer, ce qui nous approcha assez des côtes pour permettre d'herboriser. J'y trouvai beaucoup de plantes murales, et une variété considérable de pensées; j'en vis de bleues, de violettes, d'entièrement jaunes, mais malgré mes recherches, n'en trouvant pas une de couleur rose, je conclus, non sans chagrin, qu'elles sont rares dans tous les pays du monde.


A Thoun, le dîner que nous donna l’aubergiste nous fit oublier nos deux derniers repas. L’éloge que nous en fîmes lui servit de signal pour nous présenter un registre où il nous engagea de consigner notre satisfaction

Le lac et les matelots tinrent parole; nous essuyames dans l'après-midi, deux orages. Les conducteurs des berlines que nous avions fait venir de Berne, se réfugièrent sous un pont couvert qui nous servit d’abri. Ce fut alors que je reconnus dans leur construction deux utilités : d'abord celle dont nous profitions. Ensuite la durée des ponts, qui étant préservés des influences de l'air, sont moins susceptibles de pourriture et de réparations.

Grindelwald en 2006

Jamais je n’avais éprouvé un orage si considérable. Chaque coup de tonnerre semblait menacer nos têtes. le vent était impétueux, les arbres des vergers à tiges élevées se brisèrent avec fracas, tandis que les plus jeunes ne perdaient qu'une partie de leur riche dépouille, ce qui me rappella la fable du chêne et du roseau. Les prairies payèrent aussi leur tribut. La grêle lancée avec une force et grosse comme une aveline, abattait indistinctement la fleur du trèfle, de la marguerite et de la petite renoncule. La pluie survint avec une telle abondance, qu'en moins d'une demi heure, le ruisseau s'enfla au point de déborder. Les prés étaient couverts d'eau, et sur la surface on voyait surnager les fleurs et les fruits moissonnés par l'orage. Leur émail couvrit bientôt le lit du ruisseau, et en fuyant avec lui, il porta à d'autres contrées la nouvelle du désastre dont elles voyaient les victimes.

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