Grindelwald autrefois
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Nos jambes ne nous permettaient pas de nous rendre à Grindervald par les montagnes. Mais nous entendîmes parler par nos compagnons de voyage de ces points ravissants. La vallée de Grindervald située dans le baillage d'Interlack, est entourée de montagnes couvertes de neige qui s’élèvent jusqu’aux nues. Elle nous offrit un amphithéâtre et un village assez considérable, peu éloigné du glacier inférieur où je me rendis en traversant une prairie charmante. A ses pieds seulement la nature semble morte. On marche sur des monceaux de rochers pelés. Les glaciers sont formés par des amas de neige, dont les rayons du soleil ne fondent que la superficie. Leur profondeur doit être bien considérable. Ils sont cependant moins considérables que ceux de Chamouni qui ont cinq lieues de longueur sur une largeur inégale qui s'étend quelque fois à une lieue. L'endroit où se termine le glacier inférieur de Grindervald est ouvert et présente une espèce d'arche d'où sort la Lutschinen qui coule sous des amas de glace. Deux jeunes filles qui nous avaient suivis cueillaient à trente pas du glacier, des fraises qu’elles nous offraient. Le bois, le blé, le chanvre et les gros légumes qui croissent dans les environs n’ont pas l’air de souffrir du froid.
La mer de glace qui forme le glacier supérieur, quoique sans mouvement, donne l’idée d’un torrent qui se dégorge dans la vallée, et cette idée s’accroît quand le hasard vous rend témoin d’une avalanche, accident assez commun dans les jours chauds. Enfin la lune parut et nous n’aurions rien eu à désirer si un cheval boiteux ne nous eu pas forcés d’aller au pas. Malgré la chaleur du jour et les éclairs que l’on voyait constamment, l’air était très froid et si chargé d’électricité que nous souffrions beaucoup des yeux. Aucun nuage ne paraissait, la lune était dans son plein, elle éclairait le précipice et les montagnes; on n'y voyait point assez pour distinguer de loin les objets et les aspects trompeurs qu'elle nous présentait, soit en exaltant l'imagination, soit en invitant à la rêverie, rendirent cette route une des plus agréable du voyage. Minuit sonnait comme nous entrions à Unterseen. Le lendemain nous repriment le lac. Il commençait à s'agiter, la surface était couverte de vagues. C'était, nous dirent les matelots, signe d'orage; ils furent obligés de louvoyer, ce qui nous approcha assez des côtes pour permettre d'herboriser. J'y trouvai beaucoup de plantes murales, et une variété considérable de pensées; j'en vis de bleues, de violettes, d'entièrement jaunes, mais malgré mes recherches, n'en trouvant pas une de couleur rose, je conclus, non sans chagrin, qu'elles sont rares dans tous les pays du monde. Jamais je n’avais éprouvé un orage si considérable. Chaque coup de tonnerre semblait menacer nos têtes. le vent était impétueux, les arbres des vergers à tiges élevées se brisèrent avec fracas, tandis que les plus jeunes ne perdaient qu'une partie de leur riche dépouille, ce qui me rappella la fable du chêne et du roseau. Les prairies payèrent aussi leur tribut. La grêle lancée avec une force et grosse comme une aveline, abattait indistinctement la fleur du trèfle, de la marguerite et de la petite renoncule. La pluie survint avec une telle abondance, qu'en moins d'une demi heure, le ruisseau s'enfla au point de déborder. Les prés étaient couverts d'eau, et sur la surface on voyait surnager les fleurs et les fruits moissonnés par l'orage. Leur émail couvrit bientôt le lit du ruisseau, et en fuyant avec lui, il porta à d'autres contrées la nouvelle du désastre dont elles voyaient les victimes. |
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