L'église
Après le
flot des barbares qui traversèrent notre pays, la forêt avait
tout envahi.
En 406, Saint Romain et Saint Lupicin fondent l'abbaye de Condat et leurs
collègues essaiment dans les environs.
En 523 ils créent l'abbaye en Grandvaux, En 852 on cite, à
Sirod une chapelle dédiée à Saint Etienne, qui aurait
été crée au IV ème siècle et en 855
une église à Krotonicum.
Cette église relève de Sirod et au-delà de Besançon.
C'est la notre.
Au XIIème siècle, les Commercy font de cette petite église
leur chapelle castrale.

photo Serge Moreau (Champagnole) |
Guillaume de Poupet,
receveur des finances du duc de Bourgogne et maître d'hôtel
de Charles le Téméraire, et son fils Charles de Poupet,
premier sommelier à la cour de France, puis confident et ambassadeur
de Charles Quint, tous deux seigneurs fort instruits, riches et amis des
arts, qui firent du château de la Chaux, la demeure la plus luxueuse
de tout le Haut-Jura, voulurent une église à l'image de
leur château.
Ce fut Guillaume de Poupet, selon toute vraisemblance
qui fit abattre la vieille chapelle castrale et la remplaça par
l'édifice qui demeure aujourd'hui.
Aussi retrouvons-nous encore à chaque pas dans
l'église les armes des Poupet : peintes, sculptées, dessinées
sur les vitraux.
"Quand on étudie la partie architecturale
de l'édifice, on s'étonne à bon droit de ce qu'en
ces temps lointains où Louis XI régnait sur la France, une
construction d'un aussi beau dessin et d'une facture aussi élégante
ait pu être conçue pour un obscur village de montagne, mais
il ne faut pas oublier que c'était là, l'église d'une
paroisse campagnarde.
Faite de solide maçonnerie, l'église
était orientée selon l'ancienne règle : le grand
axe étant Ouest-Est.

Tour Eucharistique |
Un croquis très simple représente
sur un plan fait au XIIeme siècle, l'édifice vu du village.
C'est un bâtiment trapu , dominé en son milieu par un court
clocher carré, coiffé d'une flèche pyramide portant
la croix.
L'église comprenait le choeur, et une nef
centrale, et deux collatéraux ou nefs latérales, sans chapelle
ni transept.
Le choeur et la première arcade des nefs
nous sont conservés, le reste des nefs et le porche actuel date
du XVIIeme siècle, lors d'un remaniement et d'un agrandissement
de cet partie de l'édifice.
Le fond du choeur est occupé par une abside
formée de cinq pans. Les vitraux sont modernes. Les fenêtres
sont séparées par un faisceau de sveltes colonnettes, des
angles jaillissent les nervures des voûtes dont l'envoi convergeant
apporte à l'ensemble une note d'élégante légèreté.
Dans le mur du collatéral sud, au dessus
de l'arcade transversale est encastrée, dans un cadre mouluré,
une dalle portant une inscription concernant messire Richard Anel, qui
était châtelain de Charles de Poupet, c'est à dire
gouverneur et intendant en l'absence du seigneur.
L'inscription datée de 1488, précise donc l'époque
où fut aménagée l'église.
Ainsi, caractères
architecturaux, blasons et inscriptions, tout concorde à fixer
l'âge de l'église.
Deux cent ans plus tard, au cours du XVIIeme siècle,
l'église fut remaniée et agrandie par les seigneurs de La
Baume, héritiers et successeurs des Poupet en la baronnie de la
Chaux.
L'extérieur de l'église est simple.
On note quatre épais contreforts à ressauts, accolés
aux angles du chevet qu'ils soutiennent. L'un deux porte en son sommet
un antique crucifix de pierre haut de 70 cm qui provient sans doute de
l'église primitive.
Quant au clocher actuel, tour carrée massive,
portant un lourd dôme à quatre pans, il remplaça vers
1775, l'ancien clocher. Un maçon du village, Pierre Chagre, avait
eu l'adjudication d'une partie des travaux.
L'église de la Chaux des Crotenay a été
classée monument historique par arrêté du ministre
de l'Instruction publique et des Beaux-Arts en date du 12 octobre 1906.
Sont classés : l'édifice et huit
oeuvres d'art parmi celles qu'il abrite. Les visiteurs découvriront
: la tour eucharistique, située à l'entrée du collatéral
sud, elle se dressait au centre de l'ancien maître-autel. Les statues
sont nombreuses, toutes sont frappantes : celle de St Paul, St Christophe,
St André, Sainte Marguerite, une piéta (groupe en bois polychromé,
haut de 0,90 m), la vierge et l'enfant (marbre blanc hauteur 0,95 m),
St Antoine portant une date : 1538.
Pour terminer il convient
de mentionner la présence d'une oeuvre remarquable, très
originale, qui n'existe dans aucune autre église classée.
Il s'agit de la poutre de gloire.
En haut des deux premiers piliers carrés
de la grande nef, s'accolent deux poutres de chêne sculpté
formant une arcade à talon, c'est à dire une composition
de quatre arcs dont les deux supérieurs sont à contre-courbure,
et les inférieurs à courbure ordinaire.
Des touffes de feuilles d'acanthe y sont semées
de part et d'autre du sommet, deux anges soutiennent un piédestal
ouvragé qui porte un crucifix dressé entre la Vierge et
St Jean.
L'oeuvre classée date du début du
XVIIeme siècle. L'église possède un autel remarquable
daté de 1733. Il porte un panneau de cuir repoussé et peint
représentant des fleurs et des feuillages stylisés. Des
peintures sont également mises en valeur.
La plupart des tableaux datent
du XVIIeme siècle. Très certainement les riches fondateurs
de l'église de la Chaux l'avaient dotée de richesses autres
que celles dont nous venons de parler. Au cours des périodes troublées
que vécut la Franche-Comté, pendant les horreurs de la guerre
de dix ans, qui mit aux prises des montagnards et les soldats du roi de
France, pendant la terreur surtout, nombre d'entre elles ont disparu dans
le pillage ou la destruction".
A cette description relevée
sur "Le Courrier" du 20.7.1972, on peut ajouter quelques
enseignements tirés du cahier de délibérations du
conseil de Fabrique :
Le 3.4.1845, le conseil constate que la toiture de l'église
est à réparer.
Le 12.11.1848, il constate à nouveau que la toiture de l'église
est ruinée jusqu'à totalité et qu'il convient de
prévenir les accidents pouvant survenir de la voûte en pierre
datant de cinq ou six siècles au moins, déjà lézardée.
La dépense serait de 600 francs. Les trois fenêtres du chur
sont tellement endommagées que des panneaux entiers sont emportés
et un grand nombre de vitraux brisés, au point que les vents, la
pluie et la neige pénètrent dans l'église. Le mur
de clôture du cimetière est en ruines, le bétail y
entre facilement et fréquemment. (coût 1000 francs).
La fabrique ne peut se procurer les fonds nécessaires ( 2200
Francs).
Le 30 août 1846, une convention est passée
avec Gentet, ouvrier en vitraux peints à Saint Claude en vue de
réparer à neuf les trois grandes fenêtres du fond
de l'église. Le prix convenu est de 42,75 francs le mètre
carré pour les vitraux rouges et de 30 francs pour les bleus. La
fabrique s'engage à fournir le fer et le gypse nécessaire.
Le 10 août 1848, le conseil constate que le
travail a été terminé avec sept mois de retard, que
le vitrage rouge déjà réparé en partie, contient
encore plusieurs verres trop clairs; que les vitraux bleus sont complètement
manqués, que c'est évidemment un verre de rebut. Et il déclare
ne pouvoir ni recevoir ni payer.
Cette affaire a été résolue le 1.3.1849.
Le 25 novembre 1859, l'église présente
sur six points différents de larges lézardes. La fabrique
n'a pas les fonds disponibles. Depuis dix ans le besoin de faire ces réparations
est connu. Le conseil demande au préfet de prendre les mesures
nécessaires. La signature d'Eléonore GUYON, maire d'Entre
deux monts apparaît au bas de la délibération. ( Narcisse
GUYON sera élu au conseil de fabrique le 10.4.1885, aussitôt
après le décès de son père).
Le 11 juin 1875 le vestibule du presbytère
exige une reconstruction entière et prochaine. La fabrique n'a
pas d'argent.( Le presbytère avait été construit
en 1719).
Le 26 octobre 1879: Réparations de l'église
et du presbytère. Toitures en bois délabrées malgré
des réparations faites chaque année
Il est demandé
que les communes s'en occupent;
Lorsque le conseil invoque le manque d'argent, il incrimine souvent la
gestion de Pierre Marie MONNIER.
Le 27 mai 1860, Séraphine MIDOL-MONNET veuve
de Claude Ignace MONNIER donne à la paroisse le pré "
de la plâtière ", de trente ares environ, situé
à Entre deux monts à l'effet d'assurer les exercices d'une
mission. Elle pose comme condition " que cette donation ne sera
absolue, irrévocable et permanente qu'autant que la commune d'Entre
deux monts ne sera pas érigée en paroisse avant le 23 août
1908 ".
Il est stipulé que la destination de cette donation ne pourra
jamais être changée, ni appliquée à d'autres
fins que celles d'exercices religieux pour les missions.
Le 29 mai 1881, on lit : " concession d'une parcelle de terrain
du champ d'Entre deux monts pour l'établissement d'un chemin. Champs
provenant de la donation Sophie Midol-Monet / Monnier ".
Les curés
Le curé le plus célèbre
de la paroisse est évidemment Jean Alexandre BLONDEAU PIROULET,
dont une croix édifiée juste en face de la porte de l'église
rappelle le souvenir. Il était né à Chapelle des
bois, au hameau des Mortes, le 26.7.1746, de Claude Alexis et de Marie
Célestine Bourgeois Philibert.
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Socle de la Croix
devant la porte de l'église, édifiée à
la mémoire d'Alexandre Blondeau, le célèbre
curé réfractaire |
Il était, selon le manuscrit de l'abbé
Léon Bourgeois écrit en 1894, d'une force musculaire remarquable
et d'un caractère très gai. Il serait, avec le notaire Perrenet
de Foncine le bas, l'auteur du conte "Vise lou bu" que
tous nos anciens avaient recopié. Après douze années
passées à Arlay comme vicaire, il est nommé curé
de la Chaux en 1782.Il y mourra en 1812 après une vie aventureuse
toute au service de ses paroissiens.
En 1789 il est choisi pour participer à l'élection
des députés des états généraux.
En 1790, il va défendre sa commune dans un
procès à Paris.
En 1791, il prête serment à a constitution
civile du clergé, mais avec de telles restrictions que, aussitôt
il devient suspect. D'ailleurs il se rétracte rapidement. Dès
lors il est proscrit. Deux fois les gendarmes de Champagnole viennent
pour l'arrêter et deux fois il leur échappe par la ruse ou
par la force. Il s'en va à Chapelle des bois où sa mère
et sa sur ont bien des ennuis à cause de lui, puis il se
réfugie au "Creux Maldru" où il retrouve
d'autres prêtres dans son cas.
En 1793 il passe en Suisse. Il en revient en 1795
lorsqu'est rétablie une certaine liberté des cultes.
L'accalmie espérée est de courte durée. En janvier
1796, il continue de fanatiser. La gendarmerie le manque
plusieurs fois et le capitaine de gendarmerie de Champagnole demande au
département un plus grand nombre d'hommes. Il insiste pour que
ceux-ci n'appartiennent pas à une unité de la garde nationale, car la plupart de ces unités se trouvent composées de
fanatiques ou d'enfants qui s'effraient et favorisent la fuite. Ce
qui m'est arrivé en est la preuve. Le département lui
donne satisfaction. Des troupes sont envoyées de Lons, aux ordres
d'un commandant. Mais le curé, cette fois encore, est déjà
parti. Il sera recherché aux Planches et aux Foncines, en vain.
Ses paroissiens portent plainte car les soldats ont
picoré : viande, lard, andouilles, souliers, mouchoirs, guêtres,
couteaux
Il passe l'été 1796 entre les Mortes et le
Mont-Noir, évite encore la capture à Foncine le bas et repart
en Suisse d'où il ne reviendra qu 'en 1799 lorsque le consul Bonaparte
aura remplacé la République. Il mourra à la Chaux
des Crotenay le 31 juillet 1812. Il faut lire à son sujet le récit
Françis BONO dans son "Histoire et mémoire de Chapelle
des bois".
Une des surs de Jean Alexandre Blondeau Piroulet, Marie Thérèse,
née le 22 février 1751 aux Mortes épousera le27 juillet
1773 à Saint Laurent François Xavier Bouvet. Une fille de
ce couple, Josèphe Augustine Sophie Bouvet née le 9 décembre
1782 aura pour parrain son oncle curé de la Chaux.( voir généalogie
de Xavier GUY ).
Parmi les autres curés de la paroisse relevés au hasard
des recherches, citons :
- PETITJEAN en 1816.
- Emmanuel JOUFFROY intronisé le 1er novembre 1819.
- Joseph Simon GREA, intronisé le 30 juin 1844.
- MICHALET décédé le 25 février 1874.
- PERRIER, installé le 8 juillet 1879, décédé
en 1892 (les comptes de la fabrique de 1893 comportent la ligne suivante
: " vin de messe, 25 francs l'année soit pour six mois
12,50 frs. à payer aux héritiers de Mr. Perrier" ).
- Alphonse LACROIX reçu le 10 novembre1893.
- LAMBELIN, qui vers 1925 était l'un des premiers curés
motorisés. Il desservait le Frasnois. Sa conduite de l'auto était
très particulière.
Les pierres tombales qui se trouvent devant l'église sont presque
illisibles et c'est bien dommage.
Les ressources de la
fabrique et du curé viennent des droits de chapellenie,
mais aussi de dons particuliers.
Voici deux de ces dons :
- Pierre Marie Olivier, fils d'Alexis Olivier, maître de forges
à Champagnole, donne à l'église de la Chaux des Crotenay,
le 28 mars1784, un pré de six journaux situé en Bramard.
Il avait acquis ce pré des Genisset le 7 septembre1783. L'acte
est passé chez maître Claude François Perrenet, notaire
royal à Foncine le bas. Pierre Marie Olivier acquerra en 1793 l'usine
du saut Girard puis certains biens de l'abbaye de Bonlieu. Ce pré
attirera quelques ennuis au trésorier de la fabrique et au curé,
celui-ci percevant les 195 francs de location, du locataire lui même
d'une part, et de la fabrique d'autre part.
- Jean Baptiste Guerillot, seigneur de la Chaux, donne au curé
de la Chaux deux terres, l'une de cinq soitures, l'autre de deux soitures
sur la commune de Bataillard.
En 1843, la commune cède un terrain en nature de pâture situé
à la petite côte du château, en échange d'un
terrain en nature de culture situé dans le village et dépendant
du presbytère, dans l'intention d'y bâtir une maison d'école. |