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Le Lieutenant Général VIONNET

vicomte de MARINGONE


Il tenait fièrement le sabre d'honneur qu'il avait reçu du général Bonaparte pour sa belle conduite à Rivoli


Sabre d'honneur (15 septembre 1803)
Officier de la Légion d'Honneur (14 juin 1804 première promotion)
Commandant de la Légion d'Honneur (30 août 1813)
Chevalier de la Couronne de fer (30 août 1813)
Chevalier de l'Ordre Royal de Saint-Louis (17 septembre 1814)
Grand Croix de l'Ordre de Saint-Ferdinand d'Espagne

Louis Joseph VIONNET est né aux Longevilles le 16 novembre 1769. IL est fils d'Antoine François VIONNET et de Jeanne Claudine LANQUETIN. Il est baptisé le même jour; son parrain est Pierre Joseph VIONNET, peut-être son grand-père, sa marraine Claude Françoise PARREAU, femme de Pierre LANQUETIN.

En 1769, son père, Antoine François, né vers 1740 à Gellin, est cordonnier aux Longevilles. "Homme dur et emporté, il parvient néanmoins à gagner l'affection d'une jeune personne fort douce, élevée avec soin, fille d'un sieur LANQUETIN propriétaire aisé de la commune. Ce dernier refusa son consentement au mariage projeté, mais l'union n'en eut pas moins lieu à la suite des sommations prescrites par la loi" (extrait de l'instruction populaire en Franche-Comté, pages 467 et 468).

Austerlitz

Sa mère qui faisait des dentelles pour augmenter ses ressources, veilla à son éducation. Il quitta l'école très jeune pour travailler à la mine de fer voisine tout en continuant à s'instruire. En 1788 la commune de Métabief le choisit comme recteur de son école. On retrouve plusieurs fois sa signature sur les registres de la paroisse.

Le 22 juillet 1789, il s'enrôle comme aspirant d'artillerie. En 1792, il est désigné pour la garde constitutionnelle de Louis XVI; mais cette garde est dissoute avant qu'il ait pu rejoindre Paris. Le 5 août 1792 il est nommé sous-lieutenant au 6ème Bataillon du Doubs. Il s'y retrouve en bonne compagnie sous les ordres des généraux MICHAUD, de Chaux-Neuve et PICHEGRU des Planches en Montagne.

En 1793, il se distingue à Wissembourg; en 1796, il est en Italie avec Bonaparte; il est blessé devant Rivoli, il se distingue à Rome, à Naples, à La Trebbia, à Novi où il est à nouveau blessé, puis à Marengo. Il passe par la Suisse où il reçoit, à Coire, un coup de baïonnette. Le voilà dans la grande Armée à Ulm et à Austerlitz.

En 1806 il passe dans la Garde Impériale avec laquelle il fait les campagnes de Prusse et de Pologne. Puis c'est l'Espagne en 1808 et de nouveau de 1810 à 1812, l'Autriche et la Russie : l'incendie de Moscou, la retraite de Russie, l'abdication de Napoléon, les cent jours, le retour de Napoléon, puis Louis XVIII ...

Après son mariage à une riche héritière de Neuilly et quelques semaines de lune de miel, il passe deux ans à Lyon où il se fait des ennemis. En 1820, il commande le département des Hautes Alpes, en 1821 celui de la Drôme. En 1823 il retourne en Espagne pour secourir cette fois, le roi Ferdinand VII, cousin de Louis XVIII. Il commande l'Armée de Catalogne et se distingue à Figueras.

Première distribution des croix de la Légion d'honneur, à laquelle participait le futur Général Vionnet, dans l'église des Invalides, le 15 juillet 1804 (tableau de Debret au musée de Versailles)

Retraité le 1er mai 1831, il meurt le 29 octobre 1834, 8 rue du Mont Thabor à Paris 1er, dans l'une des maisons que lui a apportées sa femme. Il est inhumé au cimetière du Nord.

Pendant son séjour à Gap, il a relu ses carnets de route et les a repris sur des cahiers d'écolier en y ajoutant des observations nouvelles; il critique la conduite de plusieurs généraux ou relève des erreurs de Napoléon. Ses pages sur l'incendie de Moscou dont il a été un témoin direct, sur la retraite de 1812 avec ses famines fréquentes et ses montagnes de cadavres, sur les pillages des trésors russes, qui furent soit abandonnés, soit distribués aux escortes de l'empereur au passage de la Berezina, sur l'attitude de l'armée, "un vrai ramassis de brigands sans armes, sans ordre et sans chef, pillant et dévastant tout sur leur passage", sont saisissants. Il s'interesse aussi aux églises et aux champs cultivés, faisant souvent des comparaisons avec ce qu'il a connu dans son pays natal.

 
Incendie de Moscou
 

La partie de ces cahiers concernant la période 1812-1813 a fait l'objet de publications en 1899, puis en 1913 sous le titre "Campagnes de Russie et de Saxe. Souvenirs d'un ex commandant des Grenadiers de la Vieille Garde".

Le "JURA FRANÇAIS" a donné des extraits importants de ces mémoires en 1977 (dans ses numéros 155, 156 et 157). En 1961, la "Liberté de Fribourg" lui avait déjà consacré un long article.

Voici pour connaître un peu mieux ce Comtois quelques extraits de ses mémoires non repris par le Jura Français, et volontairement limités ici, à ses blessures, à sa santé et aux remèdes.

 

En août 1812, près de Borysthène :

" La chaleur était extrême et la poussière si fine que l'on avait peine à respirer et que l'on souffrait horriblement des yeux. Par bonheur j'avais des conserves vertes qui me furent d'une grande utilité".

 

Le 16 décembre à Krasnoé :

"Je reçus cinq balles dans ma redingote et deux contusions légères".

 

 

Extrait de l'Armorial de la Restauration

 

Armoiries de Louis Joseph Vionnet

écartelé : au 1er, d'azur à la colombe d'or, surmonté de trois étoiles rangée en face du même; au 2eme, de gueules à la main renversée et appaumée d'argent; au 3eme, d'argent au sabre en pal de sable, accosté de deux branches de laurier de sinople, croisées vers le bas; au 4ème, d'azur à la levrette d'argent chargée d'un arbre d'or, terrassée de sinople, et brochant sur le tout.

Le 17 :

" j'eus deux chevaux tués sous moi" puis "je fus blessé à la jambe gauche par la chute de mon cheval qui reçut un obus et j'eus presque en même temps un coup de feu au coté droit qui ne m'occasionna qu'une blessure légère".

Le 9 janvier 1813 à Vilna :

"Les magasins furent pillés ... je fus heureux pour pouvoir faire acheter douze bouteilles de vin, du pain et de la viande, mais j'avais l'estomac si resserré que je ne pus prendre que du potage. Le vin me fut d'un grand secours pour le reste de la route. Je le prenais comme un remède, par cuillerée d'heure en heure".

Le 11 décembre à Sismari :

"Jamais je ne fus aussi fatigué ... je ne pouvais même plus rester à cheval; tous mes domestiques étaient morts; je n'avais plus qu'un soldat qui soignait un peu mon cheval mais qui comme moi pouvait à peine se soutenir".

Noter que le 4 décembre, l'empereur est parti pour Paris, abandonnant son armée en débandade et pressé de prouver aux français qu'il était bien vivant. En effet, le général MALET, lui aussi comtois, venait de déclarer que "Napoléon avait été tué sous les murs de Moscou" et avait provoqué un coup d'état resté célèbre.

Le 19 à Interburg :

"Là, nous trouvâmes enfin quelque chose à manger. Notre dîner qui nous sembla un banquet magnifique, se composait d'un potage, un morceau de boeuf, deux poulets et quatre bouteilles de vin pour sept personnes. A peine ce repas, pourtant simple, terminé, je fus saisi d'une fièvre violente qui me dura jusqu'au lendemain. Le 21 je pris médecine et le lendemain un quinquina, mais le mal empirant, je demandai la permission de me rendre à Koenigsberg. Je partis le 23 accompagné du chirurgien-major dans un traîneau que je louais".

"Nous couchâmes à Velau. Le lendemain, prenant à travers champs, notre traîneau versa près d'une source chaude où nous fumes plongés jusqu'au cou. On nous en retira, mais le froid nous transforma bien vite en glaçons. Nous restâmes ainsi près de cinq heures. Enfin en arrivant dans un village, on me fit descendre dans une cour pleine de neige, après avoir frotté mon visage et mes mains, on dégela peu à peu mes habits puis, m'ayant mis tout nu, deux juifs me frottèrent le corps avec de la neige pendant plus d'une heure. Le sang sortait des pores de ma peau de tous côtés. On me mit dans une chambre sans feu, puis on m'habilla pour me porter dans une chambre chaude. Je n'eus de geler qu'un bout d'oreille et l'orteil du pied gauche. Mon chirurgien qui était allé de suite à la chaleur était mort quelques minutes plus tard. Je repartis ... et fus logé dans une maison dont les propriétaires barbares et cruels me mirent dans un grenier sans feu ni couvertures et me firent payer douze francs un peu de bouillon et un verre de vin. Un médecin me sauva la vie en me donnant la préparation arsenicale de Koenigsberg".

Armorial de la Restauration

 

Le 3 janvier 1813 :

"Je partis avec un soldat pour me soigner. Le conducteur du traîneau était un coquin qui me conduisit dans un village éloigné de la route où il me fit payer quarante autres piastres, me menaçant, sans cela, de me livrer aux cosaques. Je passai la nuit sur un banc dans une sorte de douane. J'étais si malade que je n'avais pas la force de me remuer et fis mes nécessité dans mon pantalon, ce qui m'écorcha à un tel point que lorsque je voulus l'ôter le peu de peau qui me restait s'en fut avec".

Le 13 février à une heure de l'après-midi, j'arrivai à Paris, dans un état de faiblesse extrême. La médication violente employée pour détruire ma fièvre avait horriblement agi sur mes organes. Mes pieds et mes jambes étaient enflées d'une manière effrayante et je dus rester jusqu'au 20 mars sans mettre de bottes ... J'étais encore bien mal lorsque, ce même jour, je reçus l'ordre de reprendre mon service ... Je n'avais plus ni chevaux, ni effets .... Je résolus néanmoins de faire campagne et me préparai afin de pouvoir partir ... J'achetai deux bons chevaux, les selles d'uniforme, ainsi que tout ce qui était nécessaire. J'avais toujours les pieds enflés et une sorte d'érésipèle sur tout le corps. Ce fut dans cet état que je partis et la route, au lieu de me nuire, comme tout le monde le croyait, ne fit que hâter ma guérison et contribua au parfait rétablissement de ma santé".

Le 26 août à Dresde :

"Je reçus deux coups de feu et deux coups de mitraille dans la poitrine".

Le 28 :

"Je souffrais beaucoup de mes blessures qui n'avaient été pansées qu'avec de l'eau et du sel sans qu'il y eut été mis une seule bande ou appareil. J'entrai dans une maison du faubourg de Dresde avec mon chirurgien pour me faire panser. J'avais reçu deux coups de mitraille, l'un à droite, l'autre à gauche. Trente balles de mitraille avaient porté dans mon habit et ma chemise qui étaient en lambeaux. Je n'avais plus que quatre boutons, ma cravate déchirée, ma poitrine noire de contusions ... Après avoir été pansé, je continuai à commander ma brigade".

Signature de Louis Joseph Vionnet découverte par R. Chipaux chez un brocanteur, parmi une série de signatures de maîtres d'école du Doubs.

Le 15 octobre :

"Je reçus un coup de feu au coude du bras droit. Je restai très avant dans la nuit sans être pansé. La balle s'était logée dans l'os et on eut toutes les peines du monde à la retirer".

Enfin, en juillet 1814, Louix XVIII étant revenu :

"J'avais beaucoup de peine à m'accoutumer à l'inaction, ce qui me détermina à me retirer près de mon vieil ami Hermann, à Neuilly, où je restais jusqu'au 9 février 1815, jour où j'épousai Mademoiselle de BEUZELIN et vins habiter sa maison aux Ternes".

Et ça continue :

Le 28 novembre 1815 :

"J'étais malade et au lit lorsque je reçus de S.E. Monseigneur le Maréchal Duc de Feltre, ministre de la guerre, l'ordre de me rendre sans délai à Lyon pour prendre le commandement du département du Rhône. Malgré le mauvais état de santé je partis le 7 décembre pour arriver à Lyon le 13".

Rivoli

Pour être en bonne santé un militaire doit bien se nourrir, et le général VIONNET semble tenir à rester en forme. Par exemple :

Le 8 septembre 1812 :

"Mon cuisinier avait coupé une cuisse de cheval et m'en avait préparé un morceau qu'il me présenta ainsi que de la bouillie en guise de pain. Je trouvai tout cela fort bon et m'en régalai avec plaisir".

Et avant de quitter Moscou :

"J'avais fait provision de pain biscuité, de trois pains de sucre, de 25 livres de café, de thé, de 25 bouteilles de vin, 30 de rhum ou d'eau de vie. J'avais mis tout cela dans ma calèche de façon à les préserver du froid et du bris"

Mais le 7 janvier à Smolensk :

"Je fus de garde au château où logeait l'Empereur. Au milieu de la misère il y avait des provisions considérables et des vins de toutes espèces ... Il y eut un incendie dans les granges ... Je vis l'impossibilité où nous serions de sauver aucune voiture, ce qui me détermina à abandonner ma calèche et la plus grande partie de mes effets ... je mis dans des sacs le sucre, le café, le vin et le rhum qui me restait afin d'échapper à la famine".

"On nous donna un peu de mauvais biscuits tout moisis, un peu d'eau de vie de grain plus capable de faire du mal que du bien".

Le 3 à Lutzen :

" Les maisons étaient dévastées et je ne pus rien trouver à manger"

Et ce ne sont là, que quelques unes de ses réflexions à ce sujet.

Ajoutons quelques renseignements qui permettent de mieux connaître notre compatriote mais qui ne valent pas la lecture de ses mémoires :

Le 6 juillet 1814, du Quesnoy où il est arrivé avec son régiment le 7 juin, il demande "un congé pour Paris et les environs, pour mettre ses affaires en règle à la suite des décès de sa mère et de sa femme et du pillage de ses meubles et effet". Or sa mère est morte, sauf erreur, depuis le 24 avril 1807, et on ne trouve trace d'un premier mariage ni aux archives des Armées, ni dans les archives départementales du Doubs. D'autre part la déclaration de succession faite par sa femme le 25 février 1835 ne fait pas mention de précédent mariage, ni d'enfants.

Il tient à l'orthographe de son nom car dans son acte de mariage on lit "l'époux a déclaré que son véritable nom est VIONNET et que c'est par erreur qu'il est écrit VIONET en son acte de naissance".

Cela ne l'empêchera pas, lorsqu'il aura été promu vicomte de Maringoné le 17 août 1822, de demander à plusieurs reprises que, sur ses lettres de patente, on omette complètement son véritable nom VIONNET et que l'on se contente de l'appeler par son titre de vicomte de Maringoné.

Salle du conseil municipal des Longevilles

Un de ses arrière .... petits-neveux, possède l'acte de mariage des beaux-parents de Louis Joseph VIONNET. Jean Henry BEUZELIN (et non de Beuzelin comme l'écrit souvent Vionnet), est "premier lieutenant de marine de sa Majesté Britanique". Sa femme est Marie Madeleine FOURNERA. Leur fille , Barbe Pauline Marie Jeanne, née le 29 mai 1790 est reconnue comme leur enfant légitime. Les BEUZELIN possèdent plusieurs immeubles à Paris dont "une maison aux Ternes" mais non le "château des Ternes" comme on l'écrit parfois.

En 1899 un LEDEUIL D'ENQUIN ancien officier territorial à l'abergement Sainte Marie demande des renseignements sur le général VIONNET au service historique des armées.

En 1899 également, il existait aux archives de la commune des Longevilles une notice écrite par le général VIONNET lui-même au sujet des événements auxquels il avait été mêlé à Lyon en 1816-1817.

Barbe BEUZELIN sa veuve, a fait don à la ville de Pontarlier, du portrait, des parchemins de noblesse et des décorations de son mari. Elle avait été contactée pour cela par Séraphin LANQUETIN. Sans doute s'agit-il de Jacques Séraphin LANQUETIN, marchand de vin en gros puis député de Paris dont Georges LANQUETIN parle sur son site.

Au mariage, Barbe BEUZELIN a 25 ans, et Louis Joseph VIONNET 46. Les FOUNERA, parents de sa mère sont de riches marchands fripiers. Sur la demande d'autorisation présentée au ministre par Louis Joseph VIONNET on lie l'avis suivant :

"Barbe Beuzelin ... Réunit une naissance distinguée, une éducation soignée, et une fortune suffisante". Elle apporte en dot, une maison, 50 000 francs en espèce et en or, un trousseau et un immeuble sis 69 rue de Richelieu. En 1834 elle obtiendra une pension de 1 500 francs et mourra le 12 août 1844 rue Royale Saint-Honoré à Paris à l'âge de 53 ans.

Pour terminer, une dernière anecdote rapportée par le général VIONNET lui-même :

Après l'abdication de Napoléon il se rallie à Louis XVIII, qui le remerciera en le nommant maréchal de camp. Il faut ranger les aigles et trouver des boutons avec fleurs de lys. Il fait jouer par la musique de son régiment les airs de "Vive Henri IV" et de "Charmante Gabrielle". Certains assurèrent que sa conversion était l'oeuvre de Madame Dubosquiel, son hôtesse, qu'il avait en haute estime. Lui a une autre version.

Lorsqu'il avait été désigné pour la garde du Roi, il s'était procuré une garniture de boutons avec fleurs de lys au milieu.

Il écrit : "Ces boutons, ne m'ayant pas servi, étaient restés avec mes effets depuis 1792 jusqu'en 1814... Je me trouvais les avoir avec moi au moment où le roi fut reconnu à Lille"

Cela prouve "la vérité des pressentiments".


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